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Blindés. La queue du Jaguar est un dard de SCORPION

Concomitamment à son nouveau modèle organisationnel « Au contact », le ministre de la Défense annonce à Varces, le 5 décembre 2014, la notification des marchés pour le futur EBMR (Engin blindé multirôle) qui comprend l’Engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) et le Véhicule blindé multirôle (VBMR). Cette notification est la première étape du programme SCORPION (Synergie du contact renforcée par la polyvalence de l’infovalorisation), dont les premières ébauches remontent à 2002 avec le programme d’études amont de « Bulle opérationnelle aéroterrestre ». Le partage de l’information en temps réel et l’infovalorisation deviennent alors les piliers du combat qui, grâce aux différents vecteurs déployés sur le champ de bataille, permettent de traiter les menaces de manière collaborative. De plus, outre le fait de limiter les tirs fratricides, le combat collaboratif augmente de manière importante la survivabilité des formations sur le terrain.

Capital pour l’avenir de l’armée de Terre, l’ambitieux programme SCORPION, d’un coût de cinq milliards d’euros, a pour but de la faire entrer dans le XXIe siècle en renforçant les capacités de combat du Groupement tactique interarmes (GTIA) tout en modernisant sa composante médiane. Le programme prévoit, entre autres, le remplacement par l’unique EBRC de trois véhicules du segment médian qui ont rendu de nombreux services depuis près de 40 ans : l’AMX‑10RCR, l’ERC‑90 Sagaie et le VAB HOT. Ce besoin de renouvellement est vital, car ces trois véhicules d’ancienne génération ont largement dépassé leur potentiel respectif malgré diverses améliorations. Il faut donc de nouveaux blindés destinés aux unités de contact en privilégiant la mobilité, la protection et la mise en réseau de l’ensemble des combattants. La mobilité tactique du nouveau segment médian doit être supérieure à celle de l’ancienne génération. La mobilité stratégique imposée par le cahier des charges stipule que le véhicule soit aérotransportable par A400M Atlas, dont le poids du fret en vol tactique ne peut excéder 25 t.

308 engins pour la France et la Belgique

La notification de la première étape du marché en décembre 2014 est signée avec le groupement momentané d’entreprises regroupant Nexter Systems, Renault Trucks Defense (RTD) et Thales. Ce consortium a été sollicité en novembre 2013 par la DGA afin de développer le futur EBRC. Hormis le char Leclerc, l’armée de Terre ne nomme pas ses blindés. Avec l’EBRC, elle va innover en le baptisant Jaguar, qui s’écrit de la même manière en anglais, facilitant ainsi la prononciation tout en renvoyant une image agressive dans le but d’être plus porteur sur le marché de l’exportation que de simples sigles peu évocateurs pour des clients potentiels.

La gestation du programme du Jaguar a été laborieuse, car il est compliqué de remplacer trois véhicules par un seul, tout en améliorant son spectre capacitaire. De plus, deux écoles se sont affrontées : celle de la chenille et celle de la roue. La seconde option est retenue, jugée plus en cohérence avec la recherche d’une excellente mobilité opérative, l’engin devant être doté d’un train de roulement 6 × 6. De plus, il doit être apte à engager des chars modernes en zone urbaine et apporter aux Leclerc et aux VBCI une capacité d’appui et de manœuvre dans toutes leurs zones d’engagement probables.

Afin de remplir ce large spectre de missions, le cahier des charges a établi une combinaison d’armements inédite. Le choix de l’armement principal s’est porté sur un canon mitrailleur couplé à un missile antichar de nouvelle génération afin d’assurer une capacité de destruction de chars modernes en tir direct, mais aussi avec une capacité de tir au-delà de la vue directe (TAVD). La protection doit être évolutive afin de répondre au continuum des opérations : intervention, stabilisation et normalisation. Le programme SCORPION prévoit la livraison de 248 Jaguar dont le prix unitaire oscille entre 4 et 4,5 millions d’euros. Initialement, 110 exemplaires doivent être livrés dans le cadre de la première étape du programme, qui échoit en 2025. Les 138 véhicules de la deuxième étape devront quant à eux être remis aux forces avant 2035. L’instruction des équipages s’effectue au 1er régiment de chasseurs d’Afrique de Canjuers, qui s’est vu affecter en 2020 les premiers simulateurs de conduite, de tir et SEE (Simulateur d’entraînement des équipages). Mais le programme SCORPION comprend un aspect novateur : la simulation embarquée (SEMBA) qui donne la capacité à chaque véhicule de devenir un simulateur pour l’instruction du niveau équipage et peloton en régiments, grâce à une connexion NEB – SIMU (Numérisation de l’espace de bataille) entre les différents engins.

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