La première étape va s’achever avec la présentation d’un design préliminaire au ministère de la Défense le 27 septembre 2012. Cette présentation va permettre de passer à l’étape suivante : le développement du design et de la documentation technique qui va de pair avec la mise en production au début de 2015 des premiers composants qui serviront pour les prototypes du missile. Les plans initiaux tablaient sur une mise en service à l’horizon 2018-2020. Malgré un avancement assez rapide de la production des premiers éléments du missile chez KrasMash (Krasnoïarsk) avec environ 60 % des composants structurels du missile achevés à la fin d’octobre 2015, le projet a connu plusieurs retards découlant des difficultés rencontrées sur les moteurs-fusées ainsi que sur le système de guidage.
Ces retards ne vont pas empêcher les Russes de produire les premiers prototypes du Sarmat, qui sont prêts au début de 2017. Ils vont permettre de procéder aux premiers essais d’éjection du missile au départ du centre d’essais de Plessetsk (6). Trois essais vont se dérouler entre le mois de décembre 2017 et le mois de mai 2018 (7). Ils visent d’abord à vérifier le bon fonctionnement de la phase d’éjection (à froid) hors du silo sans passer par l’allumage des moteurs du missile, un premier allumage n’intervenant que lors du deuxième essai, en mars 2018. Le premier tir d’essai d’un missile « complet » va être retardé à plusieurs reprises et il faudra attendre le 20 avril 2022 (8) pour assister au premier tir (documenté) du RS‑28 Sarmat au départ de Plessetsk et en direction du polygone de tir de Kura (Kamtchatka). Le premier test (réussi) du missile a permis au ministère de la Défense russe de signer, le 16 août 2022 (9), le contrat de production portant sur 46 missiles RS‑28 Sarmat qui rééquiperont les régiments de Yasny (13 RD) et d’Uzhur (62 RD) à partir de 2023.
Un peu de technique
Missile balistique intercontinental lourd conçu par le bureau d’études GRTs Makeyev, le RS‑28 Sarmat est un missile devant assurer la relève des ICBM lourds des types R‑36M2 et UR‑100N UTTKh. Au vu de ses dimensions plus que respectables, il ne pourra être déployé qu’à partir de silos fixes. Le transport et le chargement du missile dans son silo de lancement sont assurés par un ensemble 15T526 composé d’un tracteur (base Kamaz) et d’une remorque séparée, le tout ayant été développé par KB Motor et FGUP TsENKI. Le missile est installé dans un conteneur qui sert pour le transport et permet de le charger directement dans son silo.
Les données des dimensions et performances sont à envisager avec les réserves de rigueur : le missile affiche une longueur de 35,5 m et un diamètre de 3 m ; la masse totale est de 208,1 t et la charge utile de 10 t ; la distance franchissable (qui varie selon la charge transportée) varierait entre 11 000 et 18 000 km et enfin la vitesse maximale est de Mach 20,7.
Le Sarmat est composé de trois étages. La propulsion du premier est dérivée de celle employée sur le RD‑36M2, le moteur PDU‑99 étant alimenté par des ergols liquides. Malheureusement, aucune information n’a filtré sur les systèmes de propulsion des étages supérieurs du missile ; en revanche, on sait grâce à des informations présentées lors du salon Armiya-2019 que l’emport total en carburant (ergols liquides) est de 178 t. Les systèmes de guidage et de contrôle reposent sur un système de navigation inertiel avec emploi (notamment) de gyrolasers à état solide, le tout étant couplé à un système de recalage par Glonass ainsi qu’un autre par visée stellaire. Autre nouveauté, il semble que la Russie ait ressuscité dans le cadre du projet Sarmat le concept de « bombardement orbital partiel » (introduit à l’origine avec le R‑36orb/8K69) qui consiste à adopter un profil de vol atypique par rapport au profil balistique habituel pour maximiser les chances de survie des charges.
Lors des travaux de développement, le bureau d’études Makeyev a veillé à offrir au Sarmat une charge utile importante à laquelle vient s’ajouter une certaine polyvalence dans les emports, le missile étant en mesure d’emporter des charges de différents types. Pour ce qui est déjà connu actuellement, le Sarmat sera en mesure d’emporter (au choix) : une tête monobloc avec une charge de 8 Mt (dont la valeur est à confirmer) ; des têtes indépendantes (MIRV), soit dix têtes de 750 kt ou 15 têtes de plus faible capacité ; ou alors le planeur hypersonique Avangard. À cet ensemble viennent s’ajouter des leurres de différents types, dont certains peuvent prendre la place d’une ogive.