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Seabed warfare : enjeux et acteurs

Fin septembre 2022, une série d’explosions endommagent gravement les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Le mois suivant, plusieurs câbles de communication sous-­marins sont coupés au sud de la France ainsi qu’entre l’Écosse et les îles Féroé et Shetland. Qu’il s’agisse de sabotages volontaires ou d’accidents causés par des ancres ou des chaluts, ces incidents de plus en plus nombreux expliquent l’intérêt grandissant des forces navales pour la seabed warfare (« lutte dans les fonds marins »). Toutefois, derrière ce terme générique se cachent une multitude de défis techniques et opérationnels avec lesquels les forces navales devront composer dans les années à venir.

Aujourd’hui, comme depuis l’Antiquité, les forces navales participent directement à la sécurisation des abords littoraux et à la protection du trafic marchand. La libre circulation à la surface des mers, même dans les zones les plus contestées, fait ainsi partie intégrante des missions des flottes militaires. En effet, près de 80 % des échanges internationaux de marchandises s’effectuent par voie maritime, et un tiers environ du volume transporté concerne des produits pétroliers divers indispensables à l’activité économique des pays importateurs. Traditionnellement, la protection de ces échanges relève donc d’enjeux stratégiques et de souveraineté.

Ces dernières décennies, toutefois, d’autres activités économiques tout aussi stratégiques se sont progressivement développées loin de la surface, dans les fonds marins. Les câbles sous-marins à base de fibre optique voient ainsi transiter la quasi-­totalité des données numériques intercontinentales. Sur le plan énergétique, les stations pétrolières et gazières offshore opèrent de plus en plus loin des côtes, et de plus en plus profondément. Elles ont d’ailleurs été rejointes par des parcs éoliens (et bientôt hydroliens) en mer, qui assurent un approvisionnement local en électricité. Et dans les années à venir, d’autres activités pourraient se développer sur le plancher océanique : extraction minière de terres rares, implantations de data centers, stations de recherches scientifiques, etc.

Dès lors, tout comme elles assurent déjà la protection du trafic maritime et des infrastructures côtières, les forces navales doivent se déployer sur le plancher océanique pour protéger les ressources stratégiques, les installations sous-­marines et les voies de communication numériques indispensables à la prospérité et à la souveraineté des nations. De fait, la seabed warfare est d’ores et déjà une réalité, même si les moyens qui lui sont confiés sont rarement en adéquation avec l’ampleur des enjeux, tant économiques que géopolitiques.

Au-delà de la lutte sous-marine

Pouvant être traduit par « lutte dans les fonds marins », ou « lutte des fonds marins » (1), la seabed warfare est une composante de lutte sous la surface de la mer, qui comprend également la lutte sous-­marine et anti-­sous-­marine, ainsi que la lutte contre les mines. Assez logiquement, la seabed warfare présente plusieurs analogies avec les autres domaines de la lutte subaquatique, notamment la lutte sous-­marine et anti-­sous-­marine. D’une part, elle consiste bien souvent en des opérations de renseignement, ou en des opérations visant à assurer le contrôle des espaces et la sécurisation des abords nationaux. D’autre part, les opérations sur les fonds marins se font généralement dans la plus grande discrétion, profitant de l’opacité, de la complexité et de l’hostilité du milieu sous-­marin. Elles se préparent dans la durée, voire avec une certaine permanence, restant aussi discrètes que possible en temps de paix, mais ouvrant la voie à des actions hostiles dévastatrices en cas de conflit de haute intensité.

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