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Seabed warfare : enjeux et acteurs

Toutefois, la lutte dans les fonds marins se distingue des autres opérations sous-­marines de bien des manières. En premier lieu, comme le rappel la stratégie française, la maîtrise des fonds marins impose de pouvoir opérer librement sur une vaste plage de profondeurs, allant du trait de côte jusqu’aux plaines abyssales situées à plus de 6 000 m de fond, là où la guerre des mines s’effectue à quelques dizaines de mètres de profondeur et la lutte sous-­marine à quelques centaines de mètres, au mieux. Ensuite, la lutte des fonds marins se distingue par la rigidité de son milieu : les infrastructures concernées sont quasi systématiquement fixes, et assez souvent localisables par le biais de leurs interactions avec la surface. Si cela permet de restreindre les volumes à défendre, cela facilite aussi grandement la recherche de cibles pour l’adversaire.

Quels moyens accordés à la lutte sur le plancher océanique ?

Comme pour tous les autres domaines d’opérations, la connaissance du milieu est un préalable indispensable à la conduite d’opérations sur le plancher océanique. Toute stratégie des moyens visant à appuyer une doctrine de seabed warfare doit donc, avant toute chose, soutenir – et s’appuyer sur – des missions d’exploration hydrographiques, géologiques et océanographiques, capables d’identifier et explorer les zones d’intérêt économique ou écologique. Cette connaissance globale des abords sous-­marins permet aussi d’anticiper les voies d’approches probables d’éventuels vecteurs adverses, ou de préparer ses propres solutions offensives. Dans les eaux internationales, ou à proximité de ses propres côtes, ces opérations se font traditionnellement par le biais de bâtiments spécialisés, militaires, dépendant d’agences civiles, ou affrétés par des entreprises privées. Mais pour étendre à plus grande échelle la connaissance du milieu sous-­marin, plusieurs initiatives sont en cours afin de réaliser des opérations océanographiques autonomes, via des drones de surface capables de déployer des drones ou des engins téléopérés sous-­marins (2). Des planeurs sous-­marins de très longue allonge peuvent également réaliser des mesures scientifiques dans la durée, leur discrétion en faisant également un bon outil de renseignement à proximité des eaux territoriales adverses.

De manière générale, les systèmes sans équipages, qu’il s’agisse de ROV (Remotely operated vehicles, des robots sous-­marins téléguidés), d’UUV (Unmanned underwater vehicles, des engins sous-­marins autonomes) ou d’USV (Unmanned surface vehicles, des véhicules de surface autonomes), devraient contribuer largement à la surveillance et à la protection des infrastructures, face à des risques d’accidents, d’espionnage ou de sabotage. Par rapport à des plongeurs de combat, ils sont capables d’opérer plus longtemps, plus profondément, et à plus grande distance de la côte. Pour les opérations en haute mer, où les fonds peuvent dépasser les 6 000 m, des ROV et des UUV de grandes dimensions pourront opérer dans un premier temps depuis des navires de surface, qu’ils soient ou non dotés d’un équipage.

Mais, à plus long terme, l’idée pourrait bien être d’occuper durablement certaines parties des plateaux continentaux, que ce soit pour défendre les installations industrielles qui s’y seront implantées ou pour réaliser dans la durée – et en toute discrétion – des opérations militaires de renseignement. Des UUV de toutes tailles pourraient opérer en permanence, rechargeant leurs batteries sur des plates-­formes à induction alimentées par câble depuis la côte, ou via des miniréacteurs nucléaires ou des hydroliennes positionnés directement sur le fond marin. Sous l’eau, des réseaux de communication mêlant fibre optique, signaux lumineux et protocoles acoustiques permettront de coordonner les nuées de drones. L’ensemble sera relié à la surface par des bouées de communication radio ou satellitaires, ou par le biais de drones effectuant une navette régulière avec la surface. Ces écosystèmes technologiques, s’ils voient le jour, pourraient remplir de nombreuses fonctions, de la surveillance de câbles, de pipelines et de sites d’extraction minière à l’entretien de réseaux d’hydrophones militaires, en passant par l’espionnage des infrastructures adverses, voire le déploiement de mines et d’autres armes sous-marines.

Les acteurs du seabed warfare

En raison de l’immensité des espaces à protéger, et de l’hostilité extrême du milieu sous-marin, la seabed warfare semble pour le moment plutôt favoriser les doctrines offensives et les approches hybrides. Dans les mers peu profondes et en zones littorales, notamment au large de l’Iran et de la Corée, des sous-­marins de poche et des SDV (Swimmer delivery vehicles) peuvent suffire à représenter une menace sérieuse pour les infrastructures sous-marines. Mais de nombreuses nations se dotent progressivement de moyens d’action dans les grandes profondeurs.

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