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Birmanie : les défis de la « dernière guerre »

Tout à l’ouest, sur la frontière bangladaise, l’État d’Arakan est une zone clé. Après les massacres de la minorité musulmane rohingya en 2016 et 2017, un nouveau conflit éclate en janvier 2019 avec l’Arakan Army (AA) représentant l’ethnie bouddhiste arakanaise. L’armée birmane est mise à rude épreuve, avant une trêve inattendue en novembre 2020. Après le coup de force de février 2021, l’AA reste neutre et en profite pour étendre son appareil militaire et administratif. En juillet 2022, le conflit reprend : l’AA bouscule la Tatmadaw, qui perd le contrôle d’une partie de la frontière — un revers majeur qui présage un conflit violent.

À Rangoun, la violence s’amplifie à partir d’avril 2021, avec 10 à 15 attentats à la bombe par jour. Visant l’administration et les forces de l’ordre, ces modestes explosifs artisanaux causent peu de dégâts : les PDF cherchent à éviter les victimes collatérales, qui entameraient leur soutien populaire ; le but est plus de rappeler leur présence et de garder les autorités sous pression. Dans le même temps, des assassinats ciblent les civils accusés de sympathies envers le SAC. Depuis mi-avril 2022, les opérations de résistance ont chuté à 3 ou 4 par jour, et une forme de normalité est revenue. En cause, le contrôle étroit des forces de sécurité, leur réseau d’informateurs, leurs raids sur les cellules PDF.

La dynamique du conflit

De loin, le conflit est souvent décrit comme figé ; en réalité, on observe deux évolutions lentes mais réelles. Du côté de l’armée birmane, l’érosion. En effet, elle est engagée dans un conflit d’une ampleur jamais vue depuis les années 1950. En septembre 2022, le NUG estimait le nombre de soldats tués depuis le début du conflit à plus de 20 000 ; le chiffre est probablement plus proche des 5 ou 6000, mais cela est déjà peu soutenable pour une institution détestée qui ne parvient plus à recruter. Mobilisée sur tous les fronts, elle déploie désormais la police, rappelle les vétérans, repousse l’âge de la retraite, refuse le départ des estropiés, arme les épouses, élargit son recrutement féminin, etc. Le conflit révèle les faiblesses structurelles de la Tatmadaw : structure verticale axée sur la peur ; corruption et factionnalisme ; détournements de fonds et d’équipement ; doctrine vieillissante faisant peu de cas des vies humaines. 

Dans les périphéries, la Tatmadaw négocie avec les dix EAO les plus pragmatiques pour éviter qu’elles ne basculent — diviser pour mieux régner. À la clé : concessions politiques, économiques, militaires. En manque d’effectifs, elle confie une partie de ses activités à des milices locales. Dans les basses terres bamar, la milice pro-Tatmadaw Pyu Saw Hti émerge mi-2021. Début 2022, l’Armée crée les People’s Security Forces (PSF), dirigées par des vétérans et des nationalistes encadrant des civils bien souvent recrutés de force. Ce glissement vers une confrontation totale soulève de graves questions sur l’après-conflit.

Enfin, le principal défi des soldats est moral : pour la première fois, ils se battent contre un pays entier, y compris la majorité bamar dont ils font souvent partie ; c’est une remise en question de la dichotomie militaire entre Bamar piliers de la nation et minorités ethniques rétives. Par ailleurs, de nombreux soldats sont originaires de Birmanie centrale, désormais épicentre du conflit. Pris dans un conflit total et sans issue, plusieurs milliers ont déserté ou fait défection.

En difficulté, la Tatmadaw mise sur sa suprématie aérienne (avions MiG-29 et Yak-130, hélicoptères Mi-17 et Mi-35) et sur sa puissance de feu (pilonnages d’artillerie souvent aléatoires). Au sol, les fantassins mènent la vieille stratégie des « 4 cuts », politique de la terre brûlée visant à priver l’ennemi de provisions, de recrues, de renseignement et de financements. Cela passe par des coupures télécom et des incendies systématiques : de février 2021 à fin septembre 2022, plus de 36 000 bâtiments auraient été incendiés, essentiellement en Birmanie centrale. 

Du côté de la résistance, on observe une lente montée en puissance. Si la Tatmadaw fait face à de graves défis démographiques, les EAO et les PDF gagnent plutôt des combattants. Début 2021, les PDF ne disposaient guère que de mousquets. Désormais, elles utilisent fusils d’assaut, lance-grenades, lance-roquettes et mitrailleuses légères, donnés ou vendus par les EAO — ou récupérés sur le champ de bataille. Inventives, elles ont développé des engins explosifs improvisés et des mortiers de fortune. En décembre 2021, elles mobilisent des drones de loisir pour larguer des bombes légères ; aujourd’hui, ce sont des machines plus lourdes emportant deux obus de mortier. Fin 2021, des combattants PDF apparaissent équipés de FGC-9, armes semi-automatiques produites par impression 3D ; bien qu’elles semblent avoir disparu depuis, elles témoignent d’une certaine inventivité. 

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