Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

Birmanie : les défis de la « dernière guerre »

La réaction internationale

Le 24 avril 2021, l’ASEAN convoque un sommet extraordinaire et se met d’accord sur un Consensus en 5 Points (5PC) appelant à la cessation des violences, au dialogue entre tous les partis, à l’envoi d’aide humanitaire, à la nomination d’un envoyé spécial et à ses visites. Cet accord est un échec : la violence s’accroît ; le SAC reçoit l’envoyé spécial mais refuse qu’il rencontre les forces d’opposition ; l’aide humanitaire se fait attendre. En octobre 2021, Min Aung Hlaing n’est pas invité au sommet de l’ASEAN — une première ; depuis, il est exclu de tous les sommets. Alors que la crise se prolonge, des voix montent au sein de l’ASEAN pour rompre avec la non-interférence et adopter une posture plus ferme.

L’ONU joue quant à elle un rôle marginal : toute résolution contraignante sera bloquée par Pékin ou Moscou. En octobre 2021, l’ONU nomme une envoyée spéciale, la Singapourienne Noeleen Heyzer ; sa première visite en août 2022 est un échec, et la confiance est aussitôt rompue avec Nay Pyi Taw. 

Pour la Chine, la crise revêt une importance stratégique : les deux pipelines entre la côte arakanaise et le Yunnan sont vulnérables ; les deux mines de cuivre à capitaux chinois de Letpadaung sont à l’arrêt ; les projets de la Belt and Road Initiative sont suspendus. La Chine affiche un soutien visible au SAC par des rencontres officielles et des investissements continus, mais reste prudente et pragmatique : Pékin s’est ainsi opposée au projet de dissoudre le parti d’Aung San Suu Kyi. 

Les liens avec la Russie sont moins équivoques : Min Aung Hlaing a effectué au moins trois visites en Russie et, en septembre 2022, rencontre Poutine. Les avions-cargos russes se posent régulièrement à Nay Pyi Taw pour livrer du matériel militaire. Avec la guerre en Ukraine, l’interdépendance devient plus prononcée.

Quant au bloc occidental, il dénonce le coup de force de février 2021, et appelle le SAC à rendre le pouvoir. Les États-Unis, l’Union européenne (UE) ou le Royaume-Uni imposent des sanctions contre les généraux et leurs affidés. L’UE sanctionne même la compagnie pétrolière nationale, mais l’impact reste limité tant que les États-Unis ne suivent pas. Dans le même temps, les pays occidentaux rencontrent certains membres du NUG, mais se gardent de toute reconnaissance officielle — souvenir des mésaventures syriennes ou vénézuéliennes. De même, le NUG assure qu’il ne reçoit aucun soutien financier ou matériel ; le contraste avec l’aide massive à l’Ukraine génère au sein de l’opinion birmane une rancœur qui devrait laisser des traces.

Birmanie : repères
Article paru dans la revue Les Grands Dossiers de Diplomatie n°71, « L’état des conflits dans le monde », Décembre 2022 – Janvier 2023.
0
Votre panier