Développements en cours
Reste aussi que Baykar ne se repose pas sur ses lauriers, avec trois programmes importants en cours, dont un commence à connaître le succès commercial. D’abord, l’Akinci, un drone MALE lourd dont le premier vol remonte au 6 décembre 2019. L’appareil est un bimoteur nettement plus lourd que le TB2, avec une charge utile de 1,35 t, positionnée en soute et sous neuf points d’emport. Il est cette fois doté d’une liaison par satellite et sa masse maximale au décollage est de 5,5 t. Son endurance peut atteindre 25 heures, mais s’il est évidemment utile dans les missions ISR, ce sont ses capacités de frappe qui sont intéressantes, avec une très large gamme de munitions, jusqu’au missile de croisière. Il peut être doté de deux types de motorisation, mais ses besoins en termes de longueur de piste et ses plus grandes dimensions en font également une machine plus vulnérable que le TB2. Il commence cependant à engranger les succès commerciaux. Hors de la Turquie (12 appareils jusqu’à présent), il a été commandé par l’Azerbaïdjan, le Kirghizstan et le Pakistan.
Ensuite, le TB3, un TB2 alourdi pour faciliter les opérations aéronavales et qui doit pouvoir être utilisé depuis le TCG Anadolu. Le salon Teknofest de 2021 en a donné un aperçu : une machine à la configuration semblable à celle du TB2, mais dont la masse maximale au décollage passe à 1 450 kg et dont les dimensions seraient revues à la hausse (8,35 m de longueur, 14 m d’envergure, 2,6 m de hauteur). La charge utile passerait à 280 kg et serait cette fois répartie sur six points d’emport. Surtout, la liaison LOS fait place à une liaison par satellite. L’appareil décollerait sur sa puissance propre, par l’intermédiaire du tremplin du bâtiment, mais la méthode de récupération ne semble pas encore clairement définie. Une crosse est évoquée, mais le pont de l’Anadolu devrait être modifié. La gestion du pont comme les cisaillements aérologiques liés à l’architecture du bâtiment et à la faible masse des drones semblent également complexes. Une trentaine d’appareils seraient embarqués, leur voilure étant partiellement repliable.
Enfin, le développement d’un drone de combat à réaction, le MIUS (Muharip insansiz uçak sistemi – système de drone de combat) baptisé Kizilelma (« pomme rouge ») a commencé dans les années 2010, mais n’a été rendu public qu’en 2021. Bidérive et ayant des formes furtives, l’appareil aurait une masse maximale au décollage de 6 t pour une charge utile de 1,5 t. Il pourrait atteindre Mach 1 (Mach 0,6 en croisière) grâce à sa motorisation ukrainienne et pourrait franchir environ 500 nautiques. Il devrait également être embarqué sur l’Anadolu – ce qui pose là encore la question de la récupération, avec une vitesse d’appontage supérieure à celle du TB3 – et pourrait recevoir une large gamme de munitions, en plus d’un radar AESA. A priori, il pourrait être contrôlé aussi bien par des liaisons à vue directe que par satellite. Il pourrait en outre jouer un rôle d’effecteur déporté au profit des appareils de la force aérienne. Le premier vol doit avoir lieu en 2023. Le MIUS devrait connaître trois versions, dont deux à monoréacteur se distinguant par leur vitesse. Le Kizilelma‑C serait quant à lui un biréacteur.
Finalement, Baykar a su solidement s’implanter sur le marché des drones en proposant des solutions simples et efficaces et il est remarquable de constater la vitesse à laquelle le programme a été conduit. Sept ans seulement séparent les premiers travaux sur le démonstrateur de l’entrée en service ; alors que, dans le même temps, aucun constructeur ouest – européen ne parvenait à une performance similaire – et encore moins à établir son appareil comme standard de référence à l’export. Reste cependant que le succès peut aussi être fragile : c’est précisément parce qu’il est un succès que l’appareil focalisera l’attention des concepteurs de systèmes antiaériens. En Ukraine, au moins 14 machines ont ainsi été visuellement confirmées comme perdues (au 8 novembre 2022). Cela dit, s’en défendre impose également un coût qui n’est pas négligeable alors que celui de l’appareil est, toutes proportions gardées, plus raisonnable : c’est le système de contrôle qui est le plus cher, tandis que la machine peut aisément être remplacée. Une équation qui devrait assurément encore profiter à Baykar durant un certain temps.
Note
(1) MAM signifie « Mini Akıllı Mühimmat ».
Légende de la photo en première page : Présentation d’un Bayraktar TB2, montrant sa configuration générale. (© Pasko Oleksii/Shutterstock)