Le XXIe siècle n’a qu’un peu plus de vingt ans. Mais, pour les Européens, il est déjà extrêmement riche sur le plan géopolitique. Grand élargissement, stratégie des sanctions, plans de relance et montée en puissance de l’euro : l’Union essaie de peser sur tous les plans de la scène internationale. Quelles sont ses perspectives alors que la guerre de haute intensité fait son retour dans sa zone d’influence ?
En l’an 2000, l’Union européenne était encore victime du « syndrome RFA » sur la scène internationale : tout comme l’Allemagne de l’Ouest de l’après-guerre constituait un « géant économique » et un « nain politique », la construction européenne était un vaste ensemble dominé par le droit et l’économie. Introvertie, préoccupée avant tout par le renforcement de son marché intérieur, l’approfondissement de ses solidarités internes et la préparation d’un élargissement à fort enjeu vers les États de l’ancien bloc soviétique, elle laissait les États-Unis prendre le leadership en ce qui concernait la Russie, la guerre dans les Balkans et la lutte contre le terrorisme.
Un peu plus de vingt ans plus tard, l’Union semble toujours en proie à ce décalage entre son statut de première puissance économique mondiale en termes de PIB et son statut de puissance régionale en matière de géopolitique. Mais elle a drastiquement changé de posture : elle souhaite maintenant explicitement définir les conditions de sa propre sécurité et s’est dotée de nombreux outils diplomatiques, industriels, médiatiques et militaires pour le faire. Est-ce suffisant ? Est-ce temporaire ? La guerre en Ukraine va-t-elle refermer cette parenthèse en rendant à l’OTAN le monopole de la sécurité européenne ?
Pour apprécier le chemin parcouru, il est indispensable d’en isoler les jalons principaux — au risque de négliger l’exhaustivité. Pour identifier les nouveaux caps possibles pour la puissance européenne, il est nécessaire de prendre le risque de la prospective, au risque de l’erreur. Mais l’avenir de la puissance européenne mérite qu’on esquisse les portraits possibles du continent dans trente ans.
L’Union européenne depuis 2003 : un nouvel élan ?
Pour l’Union européenne, le court XXIe siècle est marqué par une affirmation de son soft power et de son hard power, sur la scène régionale comme dans le reste du monde. Quels sont les principaux jalons de ce nouvel élan — qui ne va pas sans contrecoups et soubresauts, comme le Brexit qui prive, en 2020, l’Union d’une puissance internationale financière et militaire conséquente. Nées du refus des conflits armés d’Europe et du monde au XXe siècle, la Communauté puis l’Union européennes se sont littéralement réinventées au XXIe siècle. Plusieurs événements clés le montrent.