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Les enjeux technologiques post-hydrocarbures

L’enjeu géographique et technologique

L’un des principaux enseignements de cette transition vers le post-hydrocarbures est d’essence géographique. Alors que la plupart des systèmes énergétiques du XXe siècle, fondés en grande partie sur ces mêmes hydrocarbures, ont été pensés avec une centralisation importante, tant de la production électrique que du raffinage pétrolier ou de l’exploitation gazière, les futurs systèmes énergétiques apparaissent bien différents. En effet, l’électrification progressive — avec la croissance des énergies renouvelables — devrait se faire sur une base locale-régionale bien plus que nationale. La faible puissance installée des nouvelles centrales — y compris potentiellement dans le nucléaire avec les SMR —, combinée avec le développement du concept de prosumer, implique un changement d’échelle dans la réflexion de l’aménagement des territoires. Les enjeux de rénovation des réseaux énergétiques, l’implantation de systèmes de production d’hydrogène, suramplifient ce phénomène de régionalisation de l’énergie. De fait, la politique énergétique des années à venir, s’il est pertinent qu’elle demeure élaborée à une échelle centrale, doit prendre en compte cette régionalisation induite par la technologie. Ainsi, l’articulation des échelles géographiques fait partie des principaux enjeux de cette période post-hydrocarbures qui, si elle n’est pas pour demain, s’ouvre néanmoins à un horizon de moyen terme. 

Au-delà de cette question géographique, se pose également celle de l’industrie. Dans le système fondé sur les hydrocarbures, l’essentiel de la valeur était concentré dans la matière première — le nucléaire étant de ce point de vue une exception très importante —, avec une place moindre pour la transformation de celle-ci. La transition énergétique tend à profondément changer ce phénomène avec un déplacement de la valeur vers la technologie, sans toutefois annuler l’enjeu de la matière première. Si dans le cas du gaz, l’essentiel de la valeur repose sur la molécule de méthane — sa transformation en électricité par exemple étant relativement simple —, dans le cas de l’hydrogène ou de l’éolien, c’est bien la transformation — eau vers hydrogène, hydrogène vers électricité, vent vers électricité — qui est au cœur de la valeur, même s’il importe de ne pas oublier que les éoliennes, les panneaux solaires, les batteries ou les piles à combustible utilisent de nombreux métaux plus ou moins communs. En termes stratégiques, c’est donc une nouvelle dépendance qui s’ouvre, d’une double nature, à la fois à la ressource et à la technologie, consacrant ici la victoire des entreprises et des États qui ont réussi à sécuriser l’ensemble de la chaîne de valeur. En termes géopolitiques, c’est donc un basculement qui articule géographiquement le niveau global et le niveau local, les matières premières et la normalisation. 

Notes

(1) Moins 20 % d’émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990, 20 % de l’énergie provenant de sources renouvelables, et 20 % d’augmentation de l’efficacité énergétique. En 2020, deux objectifs sur trois étaient quasiment atteints : l’émission de GES avait été réduite de 25 %, 19,7 % de l’énergie était de source renouvelable, mais l’efficacité énergétique n’a été améliorée que de 9,8 % pour l’énergie primaire et de 5,9 % pour l’énergie finale. Pour 2030 les objectifs sont de moins 40 % pour les GES (par rapport à 1990), 32 % pour le renouvelable et 32,5 % pour l’efficacité énergétique (NdlR).

(2) Sur ce sujet voir le dossier « Géoéconomie » du Diplomatie no 114 (mars-avril 2022, https://​bit​.ly/​3​D​4​v​SOm).

Légende de la photo en première page : En février 2022, des membres du personnel inspectent une centrale photovoltaïque dans la province de Qinghai (Nord-Ouest de la Chine). Le XIVe plan quinquennal chinois, dévoilé en 2021, annonçait l’objectif de doubler la production nationale d’énergies renouvelables entre 2020 et 2025, en reposant en partie sur l’énergie solaire. Maître sur les chaînes de production du photovoltaïque, le géant asiatique assure 80 % des différentes étapes de fabrication des panneaux solaires. (© Xinhua/Zhang Long)

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