Ces munitions existent déjà, pour la plupart, à l’état de prototype. Le pionnier français, en la matière, est le groupe Thales, dont le SAL équipe déjà trois munitions guidées dont les premiers tirs se sont montrés concluants. Ainsi, la roquette activée par induction et guidée par laser (RAIGL) a réussi ses premiers essais sur une bouée située à 3 600 mètres en mer dès juin 2014 et a atteint une cible mobile en juillet 2021. Pour sa part, la munition guidée de mortier de 120 mm (MGM-120) a atteint une cible à quatre kilomètres fin juin 2018 et à dix kilomètres fin 2019. Afin d’améliorer encore sa précision, il est proposé d’équiper ce produit d’un système GNSS, ce qui offrirait l’avantage de traiter, aussi, des objectifs fixes ou à l’arrêt en tirant sur de simples coordonnées. Enfin, Thales a également procédé à un largage de bombe d’appui tactique de 120 mm guidée par laser (BAT-120GL) en décembre 2019. L’intérêt des MGT-L étant de se caler sur une tache laser, il leur est possible de poursuivre un objectif mobile, comme un missile, ce qui constitue une avancée majeure.
La France se trouve donc dans la situation paradoxale de disposer de divers produits en cours de développement, mais de se trouver au point mort sur la plupart d’entre eux. En effet, la RAIGL entrera en service sur l’hélicoptère de combat Tigre début 2024 et pourrait, ensuite, équiper plusieurs autres vecteurs aériens (comme le système de drone tactique [SDT] Patroller par exemple), mais aussi des plates-formes terrestres (projet roquette sur véhicule [RSV]) ou maritimes. Quant à la MGM-120, tout sera prêt pour la tirer à partir du véhicule blindé multirôle/mortier embarqué pour l’appui au contact (VBMR/MEPAC) dès la mise en service opérationnel de ce dernier, courant 2024. De même, le SAL de Thales pourrait équiper d’autres MGT-L, comme l’obus Katana ou des obus de char de Nexter Arrowtech, par exemple.
En synthèse
Ambitieuse, la solution du guidage terminal laser aurait l’avantage non seulement de combler un déficit quantitatif en munitions déjà au catalogue, mais aussi d’offrir de nouvelles perspectives capacitaires et opérationnelles face à un adversaire supposé supérieur en nombre, le tout pour un coût d’acquisition bien inférieur à celui des missiles.
Cette solution pourrait également constituer la première étape vers une diversification ultérieure des modes d’acquisition des objectifs, par simple remplacement du SAL dans certaines MGT-L existantes ou par introduction, dans les nouvelles munitions, de modules infrarouges, thermiques ou autres. Enfin, la mise en œuvre de senseurs intégrant de l’intelligence artificielle n’est pas à exclure, la munition « choisissant » l’objectif le plus pertinent dans sa zone de manœuvre, toujours sous le contrôle de l’homme dans la boucle.
Nous sommes à la croisée des chemins, empruntons le bon.
Notes
(2) Le missile MHT de MBDA retenu pour armer les Tigre de l’ALAT (https://www.forcesoperations.com/le-missile-mht-de-mbda-retenu-pour-armer-les-tigre-de-lalat/)
Lexique
RSV : roquette sur véhicule
MMP : missile moyenne portée
MHT : missile haut de trame
MGT-L : munitions à guidage terminal laser
RAIGL : roquette activée par induction et guidée par laser
MGM-120 : munition guidée de mortier de 120 mm
GNSS : global navigation satellite system
BAT-120GL : bombe d’appui tactique de 120 mm guidée par laser
SDT : système de drone tactique
VBMR/MEPAC : véhicule blindé multirôle/mortier embarqué pour l’appui au contact
SAL : laser semi-actif
Légende de l’image en première page : Illustration de la future Munition guidée de mortier (MGM) 120 mm développée par Thales (site de La Ferté Saint-Aubin). Cette munition pourra être tirée à partir du mortier rayé tracté en dotation dans les régiments d’artillerie et depuis le mortier rayé embarqué qui armera le véhicule blindé Griffon dans sa version « MEPAC » (mortier embarqué pour l’appui au contact). Son guidage laser/GNSS lui procure une précision inférieure au mètre et sa portée sera de 15/17 km.