Magazine Diplomatie

La Pologne : un nouveau centre de gravité sur le flanc oriental de l’Europe

La Plate-forme civique, de loin le membre le plus important de la coalition d’opposition, a été classée au centre ou au centre-droit, avec des politiques économiques et sociales libérales, et s’appuie fortement sur le vote urbain. Contrairement à PiS, la Plate-forme civique se distingue par sa position pro-UE et sa politique de rapprochement avec l’Allemagne. Les deux partis partagent cependant un soutien fort à l’OTAN et aux liens transatlantiques de la Pologne. De même, Donald Tusk et la Plate-forme civique ont ouvertement soutenu l’Ukraine et condamné l’invasion russe.

Le plan d’attaque le plus clair de l’opposition consistera à mettre en évidence les crises successives qui ont frappé le gouvernement de Law and Justice, depuis la Covid-19 et la guerre jusqu’à l’inflation la plus élevée depuis plus de vingt-cinq ans. D’autres facteurs clés qui joueront en faveur de l’opposition seront les questions de division et de polarisation sociale du droit à l’avortement, que PiS a radicalement réduit, et les réformes judiciaires controversées qui ont déclenché une crise plus large de « l’État de droit » entre la Pologne et l’UE. En revanche, l’une des plus vives critiques adressées à la plate-forme de l’opposition est qu’elle se concentre trop sur la réfutation des politiques de PiS plutôt que de proposer des alternatives substantielles.

La guerre a toutefois offert à PiS l’occasion de renforcer le soutien à son gouvernement et de profiter de « l’effet de ralliement » face à la crise. La poursuite de politiques visant à accroître la capacité militaire de la Pologne et le soutien à l’Ukraine ont joué directement sur la réponse forte et efficace du parti à la guerre, comme il l’a vanté.

D’autre part, la guerre a également permis à PiS d’améliorer la position internationale de la Pologne et pourrait faciliter un accord avec l’UE. Un indicateur clé de ce changement de politique a été l’effort de PiS pour débloquer quelque 35 milliards d’euros d’aide d’urgence Covid-19 qui ont été retenus par la Commission européenne en attendant la résolution de la crise de l’État de droit. Au début de l’année 2023, le gouvernement a commencé à faire avancer les réformes judiciaires qui visent à satisfaire les exigences de l’UE. Bien que cette réforme ait rencontré une opposition interne au sein de la coalition au pouvoir, son adoption et le déblocage des fonds avant les élections constitueraient une victoire majeure pour le parti PiS.

L’escalade des tensions avec l’Allemagne constitue un contraste majeur entre la politique étrangère de PiS et celle de l’opposition. Le parti a redoublé ses critiques à l’égard de l’« Ostpolitik » de conciliation de l’Allemagne avec le Kremlin. Selon la Pologne, la politique de l’Allemagne, en particulier en ce qui concerne l’énergie et les projets Nord Stream, a favorisé l’agression russe. Depuis la guerre, le parti PiS a activement dégradé les relations avec l’Allemagne lors de plusieurs prises de bec diplomatiques très médiatisées, en exigeant officiellement 1 300 milliards d’euros de réparations pour la Seconde Guerre mondiale, en refusant initialement les missiles Patriot allemands et en critiquant la fourniture de chars Leopard à l’Ukraine. Cette approche joue à la fois sur la nouvelle position de leadership de la Pologne dans la région et sur le discours antiallemand qui a été un pilier de la plate-forme politique de PiS.

À l’avenir, les résultats des élections seront fortement influencés par l’efficacité avec laquelle PiS pourra tirer parti de ses succès politiques perçus, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, et par la capacité de l’opposition à proposer une alternative substantielle et bénéfique. Quel que soit le vainqueur, le soutien à l’Ukraine et à la politique anti-Kremlin se poursuivra certainement. Si l’opposition peut offrir à la Pologne la possibilité de renforcer ses liens avec l’UE et l’Allemagne, elle devra surmonter près d’une décennie d’enracinement de PiS au sein du gouvernement. Le plus grand risque posé par les prochaines élections sera probablement de savoir si le gouvernement polonais peut continuer à agir avec un front uni ou si l’arène politique très polarisée divisera le gouvernement et paralysera la capacité de la Pologne à répondre à la crise.

Notes

(1) Sa thèse porte sur « l’histoire conflictuelle de la Pologne : le processus de repolonisation et la politique de la mémoire par le gouvernement de Droit et Justice ».

(2) « Spotlight on Poland : Negative Views of Russia Surge, but Ratings for U.S., NATO, EU Improve », Pew Research Center, 22/6/22 (https://​rb​.gy/​5​iyz)/

(3) IFW Kiel Institute for the World Economy, « Ukraine Support Tracker » (https://​rb​.gy/​z​k8o).

(4) Martin Fornusek & Monika Gabriela Bartoszewicz, « The Study of the Polish Territorial Defense Force : Historical Insights and Policy Considerations », The Journal of Slavic Military Studies, 35:1, 2022, p. 30-52.

(5) Voir le site ewyboryeu (https://​ewybory​.eu/) et Ben Stanley, « Pooling the Poles : Pooles polls of intended voting at parliamentary elections in Poland », 19 mars 2022 (https://​bdstanley​.github​.io/​p​o​o​l​i​n​g​-​t​h​e​-​p​o​l​es/).

Légende de la photo en première page : Avec l’objectif de se placer comme la première armée d’Europe, la Pologne recense 164 000 soldats dans ses rangs. D’après les prévisions du gouvernement, elle en comptera 300 000 d’ici dix ans. Selon le ministre de la Défense, Mariusz Błaszczak, grâce à une phase de modernisation du matériel militaire, la Pologne obtiendra une « grande armée de dissuasion ». Dans cette perspective, 4 % du PIB en 2023 seront consacrés à la défense. (© Shutterstock)

Article paru dans la revue Diplomatie n°121, « OTAN vs Russie : la nouvelle donne », Mai-Juin 2023.
0
Votre panier