D’autres solutions sont envisagées par l’US TRANSCOM, notamment celle de Sierra Space. Selon le communiqué d’officialisation de l’accord, « les deux organisations travailleront ensemble pour développer des solutions utilisant les avions spatiaux Dream Chaser, les modules de fret Shooting Star et l’infrastructure en orbite de Sierra Space, qui offrent des capacités uniques pour une livraison mondiale précise, rentable et opportune de la logistique et du personnel du ministère de la Défense (4) ». La navette Dream Chaser, bien qu’elle soit plus petite que le Starship, se trouverait confrontée aux mêmes contraintes. Elle ne peut rejoindre l’orbite sans un lanceur, et son mode d’atterrissage est probablement incompatible avec des pistes sommairement aménagées. Son usage serait donc essentiellement de base à base. Une capsule cargo, pas nécessairement réutilisable, mais rapatriable par avion, pourrait peut-être un jour trouver sa place dans la logistique de l’armée américaine. L’expédition de matériel par ce moyen dans des zones sous interdiction aérienne, par exemple en soutien à une position assiégée, pourrait également être envisageable dès lors que l’abandon sur place de capsules spatiales n’exposerait pas des technologies sensibles à une récupération par un adversaire.
Ainsi, le transport spatial point à point à des fins militaires est aujourd’hui technologiquement accessible, mais sa doctrine d’emploi reste à définir. Pour pouvoir s’imposer comme une alternative crédible, il devra faire ses preuves face à d’autres vecteurs plus conventionnels. Le prédéploiement en orbite polaire de capsules prêtes à livrer leur cargaison sur des bases à l’étranger pourrait être un de ses usages, ainsi que le ravitaillement de zones difficiles d’accès. Mais cela impliquerait des changements de doctrine et des risques d’escalade diplomatique loin d’être anodins.
Notes
(1) U.S. Air Force, « Department of the Air Force announces fourth Vanguard program », communiqué de presse, 4 juin 2021 (https://www.af.mil/News/Article-Display/Article/2646703/department-of-the-air-force-announces-fourth-vanguard-program/).
(2) « United States Transportation Command, United States Transportation Command and Space Exploration Technologies dba SpaceX Cooperative Research And Development Agreement 20-002, Space transportation Capability for the Joint Force », rapport, 31 décembre 2020 (https://www.documentcloud.org/documents/22060238-distro-c-ustranscom-spacex-midterm-report_redacted).
(3) Calcul réalisé sur une estimation raisonnable de la masse à vide du Starship (0,1 t), de sa masse à plein (1,3 t), en prenant comme valeurs d’impulsion spécifique pour le moteur Raptor 330 s au niveau de la mer et 363 s dans le vide. Le delta-V du Starship sans charge utile serait alors compris entre 8 295 m/s et 9 124 m/s. Calcul réalisé grâce à The Rocket Equation : https://alastaircranston.ca/rocket-equation. Ne prend pas en compte les effets des différentes traînées et les pénalités des éventuelles corrections de trajectoire.
(4) Sierra Space, « Sierra Space and the United States Department of Defense Transportation Command to Develop Revolutionary High-Mach Systems for Terrestrial Point-to-Point Delivery », communiqué de presse, 8 septembre 2022 (https://www.sierraspace.com/newsroom/press-releases/sierra-space-and-the-united-states-department-of-defense-transportation-command-to-develop-revolutionary-high-mach-systems).
Légende de la photo en première page : Si le programme Rocket Cargo de l’US Air Force est sans doute réalisable sur le plan technique, il convient encore de défricher les concepts opérationnels liés à un tel système. Si l’USAF met en avant le délai de déploiement rapide de ces engins, notamment pour le déploiement d’aide humanitaire, il n’est pas dit qu’ils offrent plus de capacités réelles que des moyens aériens et maritimes prépositionnés, par exemple. (© USAF)