Lancé au début des années 1990, ce qui allait devenir le programme JSF (Joint strike fighter) devait donner naissance à un chasseur multiple à bas coût capable de répondre à tous les besoins des forces américaines et de leurs alliés. Un quart de siècle plus tard, et alors que plus de 950 F‑35 Lightning II ont été produits et livrés, le chasseur de Lockheed Martin n’est toujours pas pleinement opérationnel, et cumule les défauts techniques et les limitations opérationnelles, ce qui ne l’empêche pas d’inonder le marché mondial des avions de combat. Retour, en quelques pages, sur l’avion de toutes les contradictions.
Dans un précédent article (1), nous avions abordé en détail les déboires du F‑35, et notamment la désastreuse gestion des mises à jour de l’appareil, qui avaient provoqué à l’époque une véritable levée de boucliers de la part des parlementaires américains, et de certains anciens gestionnaires du programme. Si la guerre en Ukraine et les tensions grandissantes en mer de Chine ont fait pudiquement taire la plupart des voix dissidentes, l’avion de Lockheed Martin a tout de même connu plusieurs problèmes très marquants au cours des derniers mois. En septembre 2022, les livraisons de F‑35 ont été temporairement stoppées afin d’enquêter sur la présence à bord de l’appareil d’alliages d’origine chinoise. Le mois suivant, c’est le crash très médiatisé d’un F‑35B lors d’un vol de réception qui a provoqué un arrêt de livraison des moteurs Pratt & Whitney F135 et l’interdiction de vol d’une partie de la flotte, le temps que la pièce de tuyauterie incriminée soit identifiée et remplacée.
Mais, plus important encore, il convient de noter que presque aucun des problèmes que nous avions soulevés en 2021 n’a été réellement résolu en 2023. C’est particulièrement vrai concernant les deux principaux objectifs de remise à niveau de l’appareil, le Technical refresh 3 (TR‑3) et le Block 4, qui continuent d’accumuler les retards et les surcoûts, malgré quelques timides avancées, et quelques déclarations qui soulèvent autant d’espoirs que d’inquiétudes.
Des remises à niveau imprécises
Après le relatif échec du Block 3F, c’est désormais le standard matériel et logiciel Block 4 qui doit apporter au F‑35 toutes les fonctionnalités – plus ou moins dégradées – prévues à l’origine du programme, et ce plus de deux décennies après le premier vol de l’appareil. Sur le papier, le Block 4 sera la première version stable et complète de l’avion, et devrait enfin lui fournir une pleine capacité antinavire, une capacité anti-A2AD étendue, la possibilité d’emporter des bombes nucléaires, mais aussi un renforcement notable de ses capacités de guerre électronique.
Le Continuous capability development and delivery (C2D2)/Block 4 visait à adopter une approche de type agile dans le développement du F‑35, incrémentalement. Ainsi, plusieurs composants essentiels au futur Block 4 sont progressivement implantés dans les appareils de série du Block 3F. Dès 2023, les appareils produits dans le cadre des lots 15 à 17 devraient être livrés avec la mise à jour structurelle TR‑3, qui inclut notamment une nouvelle interface cockpit, de nouveaux calculateurs plus puissants, des améliorations matérielles sur les senseurs électro-optiques (EOTS) et même une mise à jour de la suite de guerre électronique, dès l’année prochaine.
Ces appareils pourront théoriquement accueillir le standard logiciel Block 4 sans modification majeure, avec seulement deux ou trois semaines d’immobilisation, là où les appareils déjà livrés au standard TR‑2 devront subir un énorme (et coûteux) chantier de modernisation. Mais le coût et l’ampleur exacts du passage au Block 4 sont pour l’instant inconnus. Les estimations les plus optimistes évoquent au moins 25 millions de dollars pour la conversion d’un avion du standard TR‑2 vers un standard TR‑3 doté de certaines fonctionnalités du Block 4. Néanmoins, il semble de plus en plus évident que le véritable Block 4, qui n’est plus attendu avant 2029, sera bien plus ambitieux qu’initialement envisagé.