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Défis et bilan de la lutte contre le djihadisme en Afrique

Entre déploiement des forces extérieures, initiatives multilatérales et soutien aux armées nationales, la lutte contre le terrorisme en Afrique présente un enchevêtrement inextricable d’acteurs et d’enjeux en recomposition permanente. Il importe dès lors de porter un regard plus incisif sur les forces à l’œuvre dans la croisade anti-djihadiste en Afrique. Qui sont-elles ? Que font-elles ? Comment comprendre que, malgré un nombre important d’acteurs engagés dans la lutte contre le terrorisme, le Sahel et la corne de l’Afrique demeurent des zones de non-droit ?

Le continent africain, en dépit du déploiement des initiatives contre le terrorisme ces dernières années, demeure un théâtre de montée en puissance du djihadisme international (1). D’après une étude du Centre d’études stratégiques de l’Afrique publiée en février 2023, « la violence liée aux groupes islamistes militants en Afrique a fortement augmenté, de 22 % au cours de l’année 2022, avec 6 859 événements. Cela représente un nouveau record de violence extrémiste ainsi qu’un doublement de ces événements depuis 2019. »

La violence des islamistes militants en Afrique continue de se focaliser sur cinq théâtres : le Sahel, la Somalie, le bassin du lac Tchad, le Mozambique et l’Afrique du Nord (2). Dans le même contexte, les décès attribués aux groupes islamistes militants ont augmenté de 48 %, tandis que la violence des islamistes militants au Sahel et en Somalie représentait à elle seule 77 % des événements violents recensés en Afrique en 2022. Au cours des deux dernières années, le Sahel a connu l’augmentation la plus rapide des activités d’extrémistes violents en Afrique. La région est non seulement au cœur des réseaux criminels et de divers trafics illégaux, mais vit aussi une augmentation de la violence entre éleveurs et agriculteurs (Africa Center). Ces tendances sécuritaires mêlant des facteurs structurels liés à la fragilité des États et des facteurs conjoncturels tributaires de la géopolitique internationale contribuent à une reconfiguration des forces en présence et certainement aussi à un rebattage des cartes sur la sphère internationale.

Cartographie des acteurs, menaces et enjeux

Dans la lutte contre le djihadisme, on peut distinguer, d’une part, les stratégies locales menées par les armées nationales africaines conjointement ou individuellement et, d’autre part, celles déployées par des acteurs non africains.

Les acteurs africains : des initiatives multilatérales, aux dispositifs ad hoc, et transnationales

Face au terrorisme international, les pays d’Afrique subsaharienne souffrent pour la plupart d’une faiblesse structurelle des appareils sécuritaires et des institutions étatiques. Ils multiplient donc des initiatives multilatérales pour combattre la nébuleuse terroriste.

• L’Union africaine

La Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) a soutenu le gouvernement de ce pays dans la lutte contre Al-Shabaab au cours des quinze dernières années. L’opération devait se terminer en décembre 2021, et un accord a finalement été conclu sur ce qui semble être simplement un changement de nom et une extension du mandat existant.

L’Union africaine (UA), les Nations Unies (ONU) et le gouvernement somalien ont décidé que, le 1er avril, l’AMISOM serait remplacée par la Mission de transition de l’UA en Somalie (ATMIS). La nouvelle mission fonctionnera jusqu’à la fin de l’année 2024, après quoi toutes les responsabilités seront confiées aux forces de sécurité somaliennes. La capacité de l’ATMIS d’environ 18 000 soldats, 1 000 policiers et 70 civils reflète son prédécesseur, tout comme une grande partie de son mandat.

• Le G5 Sahel

Institué le 16 février 2014 à Nouakchott en Mauritanie, le G5 Sahel est une organisation regroupant cinq pays en proie au terrorisme dans le Sahel à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Il permettait aux États membres de mutualiser leurs efforts dans la lutte contre les djihadistes armés dans le Sahel. Après la fin actée de l’opération « Barkhane » et de la coopération militaire française en général, le gouvernement malien a annoncé, le 15 mai 2022, son retrait du G5 Sahel, y compris de sa force conjointe, ce qui laisse peser de sérieux doutes sur la survie de cette force désormais devenue G4. Parmi les cinq États membres, c’est le Mali qui possède le PIB le plus important même s’il ne représentait que 17,39 milliards de dollars en 2020. Trois de ces pays (Burkina Faso, Mali et Tchad) sont actuellement en transition politique et militaire.

À propos de l'auteur

Joseph Vincent Ntuda Ebodé

Professeur et directeur du Centre de recherche d’études politiques et stratégiques (CREPS) de l’Université de Yaoundé II.

À propos de l'auteur

Hassan Njifon Njoya

Docteur en sciences politiques et enseignant de relations internationales à l’Université de Buéa (Cameroun).

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