Magazine Diplomatie

Défis et bilan de la lutte contre le djihadisme en Afrique

• La Force mixte multinationale

La Force mixte multinationale (FMM) est une coalition constituée des États membres de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT) afin de lutter contre le terrorisme dans le pourtour du lac Tchad. Elle comporte des contingents du Cameroun, du Niger, du Nigéria et du Tchad. Depuis 2014, elle combat activement les militants de Boko Haram et de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP).

• La Mission de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) au Mozambique (SAMIM)

Elle a été déployée le 15 juillet 2021 après l’approbation du Sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement des États membres en tant que réponse régionale pour aider la République du Mozambique à combattre le terrorisme et les actes d’extrémisme violent. Les forces de la SAMIM sont composées des troupes de huit pays à savoir l’Angola, le Botswana, la République démocratique du Congo (RDC), le Lesotho, le Malawi, l’Afrique du Sud, la République-Unie de Tanzanie et la Zambie, travaillant en collaboration avec les Forces armées du Mozambique (Forças armadas de defesa de Moçambique — FADM) et d’autres troupes déployées à Cabo Delgado pour combattre les actes de terrorisme et l’extrémisme violent. Depuis son déploiement, la SAMIM a enregistré des victoires, notamment la reprise de villages, le délogement des terroristes de leurs bases et la saisie d’armes et de matériel de guerre, ce qui a contribué à créer un environnement relativement sûr pour un passage de l’aide humanitaire. Cette mission s’illustre comme un exemple de déploiement sous-régional en Afrique avec des résultats encourageants.

Les acteurs non africains : une cause commune aux enjeux multiples

• Les Nations Unies

L’ONU compte actuellement six missions actives sur le continent africain, notamment la Mission de l’organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) qui compte 17 753 hommes, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) avec 18 486 hommes, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) avec 17 430 hommes, la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) avec un effectif de 17 954 hommes, et la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abiyé (FISNUA) avec un personnel de 3 156 personnes. La sixième mission, celle des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), constituée de 469 personnes au total, dont 20 militaires et 2 policiers, n’a pas vocation à combattre. Au total, le personnel onusien engagé dans les opérations de paix en Afrique s’élève à 75 248 personnes.

La plus engagée dans la lutte anti-djihadiste est la MINUSMA, créée par la résolution 2100 du Conseil de sécurité, du 25 avril 2013, pour appuyer le processus politique et sécuriser le Mali. Son mandat a été réorienté par l’adoption de la résolution 2164 du 25 juin 2014, mettant en avant des tâches prioritaires telles que la sécurité, la stabilisation et la protection des civils, l’appui au dialogue politique national et à la réconciliation nationale, ainsi qu’à l’appui au rétablissement de l’autorité de l’État dans tout le pays, à la reconstruction du secteur de la sécurité au Mali, à la promotion et à la protection des droits de l’homme, et à l’aide humanitaire (3). En février 2023, le personnel de la MINUSMA déployé sur le terrain s’élevait à 17 430 hommes dont 11 739 militaires, 1 601 policiers, 3 384 civils, 504 cadres et 202 volontaires. Cette force n’a cependant pas pu empêcher l’enlisement de la situation sécuritaire qui a abouti à des putschs militaires successifs en 2020 et en 2021.

• La composante américaine

Les États-Unis ont fourni presque huit milliards de dollars d’aide au secteur de la sécurité depuis l’exercice fiscal 2019. Ses partenaires en Afrique comptent entre autres la Libye et les pays du littoral ouest-africain. Au cours des deux dernières décennies, les efforts américains de lutte contre le terrorisme à travers l’Afrique ont principalement été concentrés sur la formation et l’accompagnement des partenaires africains, sur des programmes de formation conçus pour renforcer les capacités des militaires africains et des forces de sécurité. Les États-Unis ont également régulièrement soutenu les efforts de la France au Sahel, offrant un soutien logistique et une assistance en matière de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) aux interventions antiterroristes françaises depuis le début de l’opération « Serval » en 2013 (plus tard l’opération « Barkhane »).

Cependant, l’embuscade de Tongo Tongo en 2017, au cours de laquelle quatre militaires américains ont été tués aux côtés de cinq soldats et interprètes nigériens, a conduit à remettre en question l’utilité des bottes américaines sur le terrain au Sahel. En outre, la détérioration des relations de la France avec le Mali et le Burkina Faso ces dernières années a compliqué les efforts américains en matière de contre-terrorisme. Une base de drones américains est en construction à Agadez, dans le Nord du Niger, pour un coût de 100 millions de dollars. Les États-Unis entretiennent un archipel de bases en Afrique du Nord et de l’Ouest dans le cadre de leurs efforts de sécurité au sens plus large dans la région.

• La composante française

Longtemps restée le principal partenaire occidental dans la lutte antiterroriste en Afrique, la France connaît depuis quelques années un net recul au profit des puissances concurrentes au premier rang desquelles se place la Russie.Entre 2013 et 2022, les forces armées françaises étaient engagées au Sahel dans le cadre des opérations « Serval » (2013-2014) puis « Barkhane » (2014-2022). Après plus de neuf ans de présence militaire au Mali, elle a été sommée par les autorités de Bamako de quitter le territoire, sans délai. En janvier dernier, c’est le Burkina Faso qui demandé également le départ des forces spéciales de l’opération « Sabre » basées à Ouagadougou. 

La France conserve cependant plusieurs bases militaires implantées depuis des décennies, parfois depuis l’indépendance des pays (4) :

– 350 hommes sont présents à Dakar depuis 2011, au sein d’un pôle opérationnel de coopération à vocation régionale.

– 950 hommes occupent la base opérationnelle française implantée en Côte d’Ivoire, suite à la signature d’un partenariat de défense conclu en 2012 entre Paris et Abidjan et suite à la fin de l’opération de maintien de la paix « Licorne ».

– 1500 hommes, soit le plus important contingent militaire en dehors du territoire français sont présents à Djibouti, avec qui un nouvel accord de défense est en vigueur depuis 2014. Cette installation sert notamment de lieu d’entraînement pour les forces spéciales qui contribuent aussi à la lutte contre la piraterie en mer Rouge et autour de la Corne de l’Afrique.

À propos de l'auteur

Joseph Vincent Ntuda Ebodé

Professeur et directeur du Centre de recherche d’études politiques et stratégiques (CREPS) de l’Université de Yaoundé II.

À propos de l'auteur

Hassan Njifon Njoya

Docteur en sciences politiques et enseignant de relations internationales à l’Université de Buéa (Cameroun).

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