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Wedgetail : la future norme occidentale de la détection aérienne avancée ?

Quelles perspectives ?

Le développement de l’appareil et du système de mission s’est avéré plus long que prévu, Boeing devant prendre à sa charge une partie des coûts. Il a fallu revoir la génération électrique, la ventilation et la structure même de la cellule au regard des contraintes posées par la masse du radar. La mise au point de ce dernier, présenté initialement en 2002, et l’intégration dans le système ont été complexes, de sorte que le premier appareil a été livré en 2010 en Australie, y atteignant sa pleine capacité opérationnelle en mai 2015. Là comme ailleurs, l’appareil a depuis connu une vraie maturation, suffisamment pour qu’il soit choisi par la Royal Air Force britannique. En mars 2019, un contrat pour cinq appareils est signé, sans appel d’offres, avec une première livraison prévue en 2023. Mais l’évolution des taux de change force Londres à revoir à la baisse ses ambitions en mars 2021, avec seulement trois appareils, dont l’intégration des systèmes se fera au Royaume-­Uni. Si les cinq appareils étaient initialement estimés à 2,16 milliards de livres, trois désormais prévus coûtaient, en décembre 2022, 2,34 milliards…

Le choix américain est quant à lui intervenu en février 2023 après une mise en concurrence avec le GlobalEye suédois, avec à la clé un contrat de 1,2 milliard de dollars incluant la livraison de deux E‑7 qui serviront au développement des capacités et à l’intégration d’une série de systèmes issus de demandes américaines qui n’ont pas été précisées. Dès avril 2022, l’Air Force se positionnait en faveur du remplacement d’une partie des AWACS par l’E‑7. Avec une configuration et une maturité opérationnelle bien établie, le séquençage du programme mise sur la vitesse. Les deux premiers appareils entreraient en service en 2027 et, entre-­temps, 24 autres auraient été commandés. L’ensemble de la flotte de 26 appareils devrait être en service en 2032 – peut-­être sous un autre nom que « Wedgetail ».

Le succès pourrait ne pas s’arrêter là pour l’appareil : l’US Air Force pousse déjà au remplacement des NE‑3 AWACS de la flotte multinationale de l’OTAN – qui subissent les mêmes problèmes de vieillissement que ceux de l’USAF – par des E‑7. Les 14 NE‑3 doivent être remplacés à horizon 2035, et les premiers travaux d’évaluation ont commencé en février 2023 après une Request for information publiée en décembre 2022. Boeing sera en compétition avec Saab et son GlobalEye, mais aussi potentiellement d’autres concurrents qui ne se sont pas publiquement manifestés, et qui pourraient se positionner sur un autre type de solution : la distribution des capteurs sur différentes plateformes (aériennes, navales, spatiales), ce qui permettrait de réduire la vulnérabilité d’un système qui s’avérera crucial pour les capacités de supériorité aérienne jusque dans les années 2070…

Notes

(1) La France et le Japon achetant également des E‑2D, trois exemplaires embarqués pour la première et deux basés au sol pour Tokyo, en complément des E‑767. Jusqu’à cinq autres pourraient être acquis.

(2) Certains avaient également envisagé un rôle de ravitaillement en vol…

(3) Séoul avait exprimé sa préférence pour le Phalcon, monté sur Gulfstream 550, la vente de ce dernier nécessitant l’aval des États-Unis en vertu des procédures ITAR. La conclusion du contrat a finalement été bloquée par Washington, au motif qu’elle poserait un problème de prolifération de technologies sensibles…

(4) En 2018, un E-7 de la RAAF australienne a ainsi mené une mission de plus de 17 h nécessitant deux ravitaillements.

Article paru dans la revue DSI hors-série n°90, « Aviation de combat : l’épreuve du feu », Juin-Juillet 2023.
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