Magazine Diplomatie

Évolutions de l’Afrique de 2000 à 2050 : tendances et incertitudes géopolitiques

L’Afrique, source de convoitises et de rivalités internationales porteuses de facteurs de fragilisation

Depuis plusieurs décennies, l’Afrique subsaharienne suscite l’intérêt des grandes puissances. Longtemps réservée au partenariat et à la coopération avec l’Europe, l’Afrique représente, pour les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Turquie et le Brésil, un réservoir de matières premières énergétiques. L’Afrique subsaharienne est un espace en pleine croissance économique malgré les vents contraires soufflés ces dernières années par la pandémie de Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne. Certes, elle ne représente environ que 2 % du commerce international, mais elle a enregistré la plus forte croissance dans les échanges internationaux, avec un taux d’importation d’environ 16 % par an entre 2000 et 2011. Cette dynamique s’est consolidée d’année en année, si l’on s’en tient aux évolutions démographiques et aux richesses naturelles inexploitées sur le continent. Elle représente ainsi une source de convoitises pour les puissances internationales et un théâtre d’affrontements stratégiques et économiques entre ces dernières.

Les nouvelles découvertes dans les régions de la vallée du Rift (région du Lac Turkana) et la façade est du sous-continent de l’océan Indien, riche en gaz, permettront de maintenir l’Afrique parmi les cinq zones d’exploration les plus prometteuses du monde. Source de convoitises pour les États, mais également pour les groupes armés nationaux et transnationaux, terrain de projection d’influence, espace éminemment géopolitique et géoéconomique, l’Afrique restera inscrite dans l’agenda diplomatique des politiques étrangères des puissances internationales, qu’elles soient grandes ou de taille moyenne.

Les conséquences géopolitiques de la guerre russo-ukrainienne risquent gravement d’impacter négativement les fragiles équilibres négociés ou obtenus au cours des dernières années. Les avantages économiques et commerciaux de la Chine et l’offensive stratégique de la Russie sur le continent pourraient sérieusement perturber les processus de transformation mis sur pied en Afrique en cas de victoire du bloc États-Unis/Europe. Les États africains proches de la Russie ou ayant développé des accords de défense avec cette dernière pourraient revivre le sort réservé à certains pendant et après la fin de la guerre froide.

Si l’Afrique se transforme en théâtre d’affrontements économiques et politiques entre les puissances internationales, les États représentant un intérêt vital pour ces dernières pourraient connaître de sérieuses tensions politiques internes avec la multiplication des soutiens opérationnels extérieurs à des mouvements de contestation populaires.

Enfin, si la diversification des partenaires de l’Afrique contribue à dynamiser les économies nationales et à accroître l’aide publique au développement, cette dynamique pourrait accélérer le développement économique et social du continent avec le risque d’instituer de nouvelles dépendances vis-à-vis de certains bailleurs de fonds.

Notes

(1) The Economist Intelligence Unit’s Democracy Index 2021, février 2022 (https://​rb​.gy/​o​y​1​uap).

(2) Philippe Hugon et Samuel Nguembock, « Les mouvements de contestation liés aux problématiques de transition en Afrique », note de consultance de l’IRIS pour le ministère des Affaires étrangères et du Développement international, février 2015.

(3) Jean-Pierre Guengant, « La forte croissance démographique de l’Afrique freine son émergence », Vie Publique, 3 septembre 2019 (http://​rb​.gy/​0​n​b​31a).

(4) Agence Ecofin, « La croissance africaine, impuissante face au défi du chômage et du sous-emploi », Hebdo no 130, 13 juillet 2018 (http://​rb​.gy/​h​c​l​mzu).

(5) Samuel Nguembock, « Afrique : une croissance démographique porteuse d’opportunités économiques et de risques d’instabilité politique », Rapport Vigie 2016, Futurs possibles à l’horizon 2030-2050, Futuribles International, 18 décembre 2015.

(6) Philippe Hugon, «  Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique », Afrique contemporaine, no 218, 2006 (http://​rb​.gy/​s​h​e​es5).

Légende de la photo en première page : Lagos, au Nigéria, en 2019. Avec près de 20 millions d’habitants, Lagos est l’une des villes les plus peuplées d’Afrique. En traversant une croissance démographique exponentielle, la capitale économique nigériane, à l’image de plusieurs villes africaines comme Kinshasa (RDC) ou Dar es Salam (Tanzanie), s’apprête à devenir l’une des nouvelles mégalopoles mondiales et devra faire face à d’imposants défis urbanistiques et structurels. (© Shutterstock)

Article paru dans la revue Diplomatie n°119, « 20 ans de Diplomatie : quelle évolution du monde ? », Janvier-Février 2023.
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