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Avions de 5e et de 6e génération : entre réalité technologique et arguments marketing

De quelle génération sont les avions actuels ?

C’est une question à laquelle il est délicat de répondre. Dans le passé, les performances dynamiques des avions étaient intimement liées à leur développement. Selon la catégorisation couramment admise des avions des quatre premières générations, chacune d’entre elles surpasse nettement la précédente en termes de conception structurelle et, généralement, de performances dynamiques. Mais depuis la 4e génération, et discrétion aux ondes électromagnétiques mise à part (« furtivité EM et IR »), c’est principalement l’avionique qui marque le pas dans l’évolution des avions. S’il est incontestable que les Rafale, F‑22 et Super Hornet sont supérieurs, respectivement, aux Mirage 2000, F‑15 et Hornet qu’ils remplacent, cette supériorité est moins le fait de leur capacité de manœuvre ou de leur vitesse (parfois inférieure, d’ailleurs) que de celle de leur système d’armes à appréhender leur environnement tactique, à détecter et à traiter leur cible en premier.

Pour appuyer l’exemple, il suffit d’équiper des avions de 4e génération avec une avionique moderne, et les voilà devenus des avions capables de disputer la supériorité aérienne à la plupart des appareils de la génération suivante. De fait, le F‑16V Block 70 ou le Mirage 2000-9 n’ont plus rien en commun avec les F‑16A et Mirage 2000C sortis à la fin des années 1970 ou au début des années 1980, même s’ils atteignent désormais le maximum de leur potentiel d’évolution, faute de puissance et de volume interne le plus souvent. Bien entendu, ces modernisations et revalorisations des avions d’ancienne génération n’empêchent pas les nouveaux arrivants de faire de belles carrières commerciales. Si le programme Eurofighter semble évoluer lentement, empêtré dans les affres d’une coopération multinationale complexe qui voit les potentiels budgets de modernisation mis en concurrence avec l’acquisition de F‑35, le constat est tout autre pour d’autres avions. C’est le cas en France, qui a fait le pari de doter le Rafale d’une architecture complètement modulaire et évolutive qui permet une amélioration quasi sans limites, et sans avoir besoin de développer un tout nouvel appareil ou de nouveaux standards à partir de zéro. Le standard F4 du Rafale, qui commence à être livré aux forces françaises, offre ainsi des capacités très supérieures aux premières versions de l’appareil, que ce soit en matière d’avionique embarquée, d’armements, de communications ou de guerre électronique. L’avion est censé rester opérationnel jusqu’en 2060, et restera produit certainement jusqu’à l’arrivée de son successeur. Les différents standards s’enchaînant, qui peut prédire quelles capacités seront atteintes par l’avion en 2030 ? Sera-t‑il inférieur au F‑35 ? Selon quels critères ? Et quelles seront également les capacités du F‑35 ou du F‑15EX dans 20 ans ? La très longue genèse de ces avions et leur encore plus longue durée de vie font que les équipements embarqués à bord de leurs cellules sont et seront plusieurs fois remplacés durant leur (très longue) vie opérationnelle.

Vers une nouvelle génération ?

Si l’apparition des générations précédentes offrait un saut capacitaire incontestable, il faut composer aujourd’hui avec des améliorations incrémentales. À ce jour, aucune brique technologique ou capacitaire véritablement révolutionnaire – ce qui obligerait à développer à court terme des avions radicalement différents – n’a été clairement identifiée. C’est pourquoi, pour la 6e génération, il n’est plus seulement question de concevoir simplement un nouvel avion de combat, mais bien de développer des systèmes de systèmes. Cette notion est ainsi au cœur des principaux programmes qui se revendiquent de la 6génération, à savoir les deux programmes NGAD (Next Generation Air Dominance) menés parallèlement par l’US Air Force et l’US Navy, le programme SCAF (Système de combat aérien du futur), conduit par la France, l’Allemagne et l’Espagne, et le GCAP (Global Combat Air Programme) qui fusionne le Tempest italo-­britannique et le F‑X japonais.

Certes, le développement d’une nouvelle cellule et de nouveaux moteurs est considéré comme indispensable, aussi bien pour les forces que pour les industriels nationaux. Pour les forces aériennes, il s’agit bien évidemment de pouvoir profiter de toutes les évolutions technologiques apparues ces vingt dernières années, et qui ne peuvent être que partiellement exploitées à bord d’anciens avions modernisés. Un nouvel appareil pourra ainsi s’affranchir de certaines limites liées à l’utilisation de systèmes modernes qui consomment de plus en plus d’électricité, qu’il faut produire, mais dont il faut également dissiper la chaleur. Pour les industriels et les équipementiers, il s’agit de maintenir les connaissances au sein des bureaux d’études, mais aussi de développer des technologies qui pourront être exploitées au sein d’autres programmes, notamment dans l’aviation civile.

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