Ce schéma suggère enfin l’intérêt de cesser de confondre en permanence « autonomie stratégique » et « souveraineté stratégique » dans un certain discours politique, que cela concerne le cas de la France ou celui de l’Union européenne. Continuer à entretenir ce flou sémantique engendre une incompréhension évidente chez un certain nombre de pays européens, concernant la portée et les conséquences du vocable mis en avant. Celui-ci est pourtant bien choisi (davantage en tout cas que « souveraineté européenne », mal adapté à son objet dont il méconnaît la nature politique). Reste qu’« autonomie stratégique », dépourvu de notice explicative, peut engendrer la confusion. Une clarification conceptuelle permettrait de le repositionner au bon niveau : nullement un découplage ou une fragilisation des fins partagées par les alliés, mais un moyen, venant à l’appui de voies qui peuvent parfaitement être collectives. En évoquant l’« autonomie stratégique » de l’Europe, la France n’oppose pas forcément l’Alliance atlantique et l’Union européenne. En recherchant cette autonomie stratégique, chaque nation européenne renforce au contraire, et librement, chacune des deux structures.
Hiérarchiser fonctionnellement ces trois concepts n’est pas une question simplement théorique. Le schéma proposé n’épuise certes pas le sujet. Reste que renoncer à ce travail de définition peut conduire finalement à opposer souveraineté, indépendance et autonomie. Ce qui risque de fragiliser l’harmonie entre fins, voies et moyens, qui demeure pourtant le but théorique de toute pensée stratégique consciente d’elle-même.
(O. Zajec, 2019)
Note
(1) Olivier Zajec, « Étudier la stratégie : quel cadre de réflexion ? », Défense & Sécurité Internationale, no 165, mai-juin 2023.
Légende de la photo en première page : Stricto sensu, l’autonomie permet de définir ses propres normes, confortant l’indépendance. Les technologies liées à la dissuasion nucléaire y participent directement. (© K. Tokunaga/Dassault Aviation)