Sur la responsabilité des États en tant que telle, il faut avoir une approche au cas par cas. Il arrive que les manquements d’un gouvernement s’opèrent sur un camp en particulier et non sur tous les réfugiés présents sur son territoire. Par ailleurs, cette responsabilité est à apprécier au regard des engagements respectifs des pays hôtes, qu’ils soient politiques ou juridiques, en ce sens que si un État n’est pas responsable des flux migratoires qui peuvent arriver sur son territoire, il est néanmoins tenu par ses engagements internationaux et régionaux tant sur le respect des Droits de l’homme que ceux traitant plus spécifiquement des droits des réfugiés.
S’agissant de l’implication de l’État dans la gestion des camps, là aussi elle est à apprécier au cas par cas. Un pays peut déléguer pleinement ou partiellement cette gestion, comme il peut s’opposer à l’installation de camps humanitaires sur son territoire ; c’est le cas au Liban avec les Syriens par exemple.
Comment analysez-vous la situation des Palestiniens au Liban et en Syrie ?
Les réfugiés palestiniens sont estimés à plus de 7 millions, dont 5,7 millions enregistrés auprès de l’UNRWA en 2022 et dépendants de ses services autant dans les Territoires occupés que dans les pays frontaliers, c’est-à-dire la Jordanie, la Syrie et le Liban. Dans ce dernier, ils sont considérés comme des « résidents étrangers temporaires ». Longtemps vus comme porteurs de déstabilisation, ils sont devenus synonymes de « fardeau ». Ils vivent dans 12 camps fermés et surveillés par l’armée libanaise. Plus de 20 professions leur sont interdites, et ils ne peuvent pas acquérir de biens fonciers. En Syrie, les Palestiniens ont plus de droits qu’au Liban, comme l’accès aux services sociaux, mais ils vivent la migration forcée à cause de la guerre et sont particulièrement vulnérables à ses conséquences. Beaucoup sont devenus des déplacés à l’intérieur du pays, des dizaines de milliers ont fui vers la Jordanie, la Turquie, l’Égypte, et de plus en plus vers l’Europe, où ils se retrouvent souvent sans statut légal et sont sujets à une grande vulnérabilité (pauvreté, chômage…). Il est impossible d’avoir des chiffres, y compris auprès de l’UNRWA.

Comment la majorité des camps au Moyen-Orient s’organisent-ils ? Quels sont les « services » assurés (santé, éducation, travail…) ?
Ils s’organisent en fonction de leur statut. Les camps peuvent être officiels, comme les 58 palestiniens enregistrés, ou informels, comme ceux de Syriens au Liban, à Akkar par exemple, où au moins 36 lieux ont été recensés. Le statut conféré au camp détermine les modalités de sa gestion, son administration, les budgets qui vont y être alloués, les services qui y seront opérés, etc. À noter que la notion de « camp de réfugiés » n’a pas de définition propre qui permet d’avoir un consensus formel reconnu par tous les acteurs. Ils désignent des hébergements, parfois accompagnés d’une prise en charge, pour des personnes étant dans des situations d’urgence qui imposent un déplacement ou une perte de l’habitat initial entraînées par une ou plusieurs crises, qu’elles soient par exemple climatiques, issues d’un conflit ou sanitaires. Ces camps sont ainsi de plusieurs types, même s’ils servent tous l’objectif d’accueillir les populations dans le besoin.
Toutefois, il est possible d’appréhender la nature des camps à travers les typologies développées par des universitaires d’une part, par des gestionnaires et acteurs de terrain d’autre part, notamment l’UNHCR. Ainsi, le chercheur français Michel Agier donne une définition théorique complète et distingue cinq types : le camp de réfugiés, qui accueille les personnes déplacées venant d’un autre pays ayant fui pour des raisons humanitaires ; le camp de déplacés, qui rassemble les individus forcés de bouger à l’intérieur de leur propre pays également pour des raisons humanitaires ; le centre de rétention administrative, lieu de privation de liberté pour des personnes en raison de leur situation de migration dans un contexte politique de contrôle migratoire ; le camp auto-établi ou informel, mis en place de manière spontanée par des déplacés ou des réfugiées, sans organisation externe préalable ; les camps de travailleurs et ouvriers migrants (1). Il paraît donc également possible de classifier ces types de camps dans deux grandes catégories : ceux mis en place par des États ou des organisations internationales dont les raisons d’être sont humanitaires et politiques, et ceux établis par les intéressés pour des raisons humanitaires.