Les facteurs aggravants de la situation méditerranéenne
Sururbanisation, pression démographique et pollution
L’urbanisation massive devrait se poursuivre sur le littoral méditerranéen jusqu’en 2050. Or, elle pèse de façon majeure sur le climat. Si des tendances démographiques « déflationnistes » existent sur le plan mondial, elles ne devraient pas être encore sensibles autour du bassin (8). « Accueillant, déjà, deux tiers des méditerranéens, en 2005, les villes verront leur population augmenter de 20 millions d’ici 2025 », selon le Plan Bleu pour la Méditerranée (9).
« L’urbanisation galopante des pays du Sud et de l’Est du bassin, estimée à 70 %, est accompagnée d’un phénomène, conjoint, de littoralisation des activités humaines et d’artificialisation des côtes, accentuant la pression anthropique sur la biodiversité environnante. Plus de la moitié des 46 000 km de côtes pourrait être bétonnisée, d’ici à 2025, contre 40 % déjà en 2000. La prégnance de quartiers informels, précisément là où les réseaux d’assainissement et les services urbains montrent certaines défaillances, témoigne des limites de la maîtrise de l’étalement urbain dans l’espace méditerranéen. […] Sur les littoraux, la densité de la population, estimée à 96 hab/km2, est beaucoup plus forte qu’à l’intérieur des terres. La population des régions côtières est ainsi passée de 95 millions en 1979 à 143 millions en 2000 et pourrait atteindre 174 millions en 2025 […] La densité du littoral n’est pas homogène. […] L’urbanisation croissante, et territorialement continue du littoral, contribue à saturer les territoires côtiers tout autour du bassin méditerranéen. Cette tendance se renforce singulièrement sous l’effet des variations saisonnières touristiques sur les rivages septentrionaux de la Méditerranée tout particulièrement. (10) »
Par ailleurs, l’urbanisation littorale massive va peser lourdement sur la pollution maritime. C’est déjà une réalité sur l’axe qui relie Tanger à Casablanca, tout comme pour le Grand Alger ou la zone littorale tunisienne (le « Sahel »). C’est encore plus le cas sur la rive nord, chez les riverains de l’Union européenne, en Turquie, au Liban et en Israël.
Enfin, l’Agence des villes et territoires méditerranéens durables (AVITEM), considère que, « bien que la mer Méditerranée ne représente que 1,5 % de la surface du globe, le commerce maritime méditerranéen, structuré par les métropoles portuaires de la région, représente 30 % du commerce mondial » (11). La pollution pourrait être encore aggravée par la montée en puissance des routes de la soie maritimes que les Chinois souhaitent développer davantage.
Le dernier rapport du Plan Bleu insiste alors sur l’effet conjugué des différents facteurs : « L’exploitation des ressources et des organismes, la pollution et le changement climatique devraient exacerber les fragilités préexistantes […], mettant en danger la santé et les moyens de subsistance. (12) » Qui plus est, « particulièrement vulnérable au réchauffement climatique, la Méditerranée est également l’une des zones les plus touchées par les déchets marins au monde » (13).
La pénurie d’eau
D’après Caroline Orjebin-Yousfaoui (14), « l’Afrique du Nord ne recèle que 0,1 % des ressources mondiales d’eau naturelle renouvelable et le Moyen-Orient 1,1 % pour une population totale de 280 millions d’habitants, soit environ 4 % de la population mondiale. Cette pression devrait s’accentuer dans les années à venir : l’indice régional de changement climatique de la région méditerranéenne est avec celui du Nord-Est de l’Europe le plus élevé au monde selon le GIEC. Des hausses de température de 2 à 4°C ainsi qu’une baisse de la pluviométrie de 4 à 30 % sont prévues dans la région. La croissance démographique et urbaine des rives Sud et Est devrait également accentuer les pressions sur les ressources en eau » (15). Le stress hydrique pourrait alors concerner 300 millions de personnes (16).
L’effondrement de la sécurité alimentaire
La dégradation de tous ces indicateurs va encore affecter une capacité à produire sur place déjà très affaiblie. « À cette préciosité de l’eau se double une rareté foncière » note encore Sébastien Abis, « près de 95 % des sols arables des pays méditerranéens seraient d’ores et déjà exploités. Il n’y a presque plus de réserve foncière sur ce pourtour méditerranéen soumis à l’urbanisation […], à l’érosion et à la désertification. […] Ces phénomènes peuvent conduire à la perte progressive de productivité des sols, voire à la disparition du couvert végétal » (17).