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Ukraine : dans l’enfer des combats urbains, la technologie ne fait pas tout

Au combat, le soldat reste central, décisionnel, utilisateur de technologie (mais bien formé à cette utilisation), mais a besoin de rester « rustique ». Le général Yakovleff soulignait l’importance de la « rusticité » du soldat dans un environnement littéralement « débranché ». C’est une sorte de retour aux fondamentaux pour faire face à l’imprévu, pour s’affranchir de la technologie dans un milieu hostile et déconnecté. Le combat urbain est brutal, au corps à corps. Les armes les plus utiles sont celles qui tirent à courte portée, comme les armes antichars et les mitrailleuses, et le poignard reste par excellence l’outil du combat rapproché. Le combat est « charnel, tribal, violent, sanglant (6) ».

La technologie est un moyen, un outil, un levier d’efficacité capable de suggérer de nouvelles modalités d’engagement en milieu urbain. Relisons John F. C. Fuller pour qui l’apparition d’une rupture technologique permet à la pensée militaire de s’adapter à l’innovation (7). Le renouveau du combat urbain passera par un travail de réflexion sur la combinaison des armes avec les nouvelles technologies (cyber, IA, quantique, etc.), par l’évolution des doctrines en fonction de ces nouvelles technologies présentes et à venir, mais sans oublier de réserver la place centrale et décisionnelle à l’homme.

Notes

(1) C’est ce que recommande la doctrine américaine.

(2) Brigade d’artillerie, brigade de roquettes, brigade antiaérienne, brigade de reconnaissance, brigade de transmission, compagnie de forces spéciales, compagnie chimique, bataillon ECM (contre-mesures électroniques), régiment du génie, brigade d’infanterie (fusiliers) mécanisée.

(3) L’IA a pu collecter, retranscrire, traduire et analyser le contenu des conversations russes grâce aux algorithmes développés par la société américaine Primer.

(4) https://​static​.rusi​.org/​4​0​3​-​S​R​-​R​u​s​s​i​a​n​-​T​a​c​t​i​c​s​-​w​e​b​-​f​i​n​a​l​.​pdf

(5) John Spencer, président de la chaire d’études sur la guerre urbaine à West Point en relève huit : le défenseur a l’avantage ; l’absence de reconnaissance, de renseignement et de surveillance diminue la capacité d’engagement à distance de l’attaquant ; le défenseur peut voir et engager l’attaquant qui s’expose ; les bâtiments sont transformés en forteresses inexpugnables ; l’attaquant doit user d’une grande force de frappe pour pénétrer les bâtiments ; le défenseur dispose d’une plus grande liberté d’action en zone urbaine ; les sous-sols servent de refuges ; ni l’attaquant ni le défenseur ne peut concentrer suffisamment de forces contre son ennemi.

(6) Vincent Desportes.

(7) John F. C. Fuller, L’influence de l’armement sur l’histoire, Payot, 1948.

Légende de la photo en première page : Les abords de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine. Cette ville ne revêt aucun intérêt militaire, mais est devenue un véritable symbole, de conquête pour les Russes, de défense pour les Ukrainiens. (© Armed Forces of Ukraine)

Article paru dans la revue DefTech n°06, « Comment survivre au combat ? », Juillet-Septembre 2023.

À propos de l'auteur

Boris Laurent

Manager Défense & Sécurité chez Sopra Steria Next, historien spécialiste en relations internationales et en histoire militaire et officier de réserve au sein de la Marine nationale

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