Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

Comment réinventer la politique d’influence de la France ?

Les temps ont changé et le « rayonnement » a laissé place à « l’influence », qui est désormais le leitmotiv depuis quelques années déjà. Faute de stratégie de long terme, la France subit, n’anticipe pas assez et se retrouve souvent obligée de réagir dans l’urgence. Quelle doit être alors la stratégie de la France ?

Pourquoi la France est-elle influente dans le monde ? Pourquoi veut-elle être influente ? Pendant longtemps, c’est le terme « rayonnement » qui était employé à la place du terme « influence ». Le rayonnement de la France se traduisait par l’universalité de son réseau diplomatique, son siège au Conseil de sécurité de l’ONU, par les opérations militaires extérieures, par les grands contrats commerciaux signés en grande pompe lors de visites présidentielles… La France devait être visible et présente via des accords politiques, militaires, culturels, économiques, par des contrats commerciaux, par des lieux (instituts français, écoles…), par des émetteurs de radio ou de télévision. Les objectifs de cette politique de « rayonnement » étaient globaux, peu ciblés, et rarement questionnés. La France étant une grande puissance, elle devait « rayonner » partout. 

À la différence du rayonnement, au-delà de la visibilité et de la présence, l’influence sous-entend un « impact » et donc une mesure des effets de la politique menée. Une politique d’influence, contrairement à une politique de rayonnement, ne se mesure pas seulement en nombre d’ambassades, d’écoles françaises, d’instituts français, d’émetteurs de RFI, de téléspectateurs « potentiels » de France 24 ou de nombre d’entreprises françaises implantées dans tel ou tel pays. Une politique d’influence, comme celle des nouvelles routes de la soie chinoises, c’est d’abord et avant tout une vision inscrite sur le temps long et déclinée en objectifs géographiques, politiques, linguistiques, économiques, militaires précis et… mesurables. Comment la France se projette-t-elle au Maghreb à 10 ou 15 ans ? Quelles relations la France souhaiterait-elle entretenir avec les pays d’Afrique sub-saharienne ou avec l’Inde à échéance de 15 ou 20 ans ? C’est ce type de questions qu’il conviendrait de se poser pour se projeter et définir des objectifs et un cap.

Dans ce contexte, il est nécessaire de définir pays par pays, domaine par domaine, des objectifs précis et quantifiables. L’universalité du réseau, vouloir tout faire et être présent partout est un leurre. Il conviendrait de définir des priorités et de faire des choix tant géographiques que sectoriels au plus vite afin d’éviter la dispersion et le saupoudrage des moyens humains et budgétaires qui jouent, in fine, contre l’influence de la France dans le monde. 

Questionner les postures

Cette vision nécessite de faire preuve de pragmatisme et de se départir d’un certain romantisme et d’un certain orgueil qui empêchent de voir le monde évoluer. L’influence de la France passera inévitablement par la concentration des moyens sur des pays et/ou des thématiques, par la remise en question d’un certain nombre d’initiatives, d’outils et de lieux existants, utiles en leur temps mais peut-être moins pertinents aujourd’hui.

Afin de (re)définir une vision pour la politique d’influence de la France dans le monde, il conviendrait de questionner les postures, outils et instruments de la politique d’influence actuelle. Quels sont-ils ? Où ? Combien coûtent-ils ? Quelles sont leurs forces, leurs faiblesses ? Un état des lieux exhaustif, sincère et sans concession de l’influence de la France dans le monde et de l’efficacité des outils actuels est nécessaire. 

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