Quelles perspectives ?
Pour accompagner l’ensemble des transformations structurelles de l’agriculture dans les pays des Nords et des Suds, le financement de l’adaptation de l’agriculture constitue un enjeu majeur. En 2009, lors de la COP15, les pays développés s’étaient collectivement engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an de financements climat pour les pays en développement à partir de 2020. Cet engagement, confirmé en 2015 à la COP21 jusqu’en 2025, n’a pourtant pas été tenu. Il a de nouveau été rappelé lors de la COP27, qui a de plus été le lieu d’autres engagements ciblés sur l’adaptation et inclus dans le « Plan de mise en œuvre de Charm el-Cheikh », qui estime qu’une économie à faible émission de carbone devrait nécessiter des investissements d’au moins 4000 à 6000 milliards de dollars par an. Le financement pour l’adaptation et l’atténuation au changement climatique constitue un enjeu majeur pour accompagner l’ensemble des transformations structurelles de l’agriculture et le marché carbone, pierre angulaire d’une politique européenne énergie-climat, apparait aussi comme une des voies de financement et de réduction d’émissions des GES et de lutte contre le changement climatique (la tonne de CO2 a dépassé la barre symbolique des 100 € début 2023).
À côté de ces financements promis dans le cadre de la Convention Climat (CCNUCC) s’ajoute l’Aide publique au développement « historique », qui vise désormais à soutenir « un développement sobre en carbone et climato-résilient. Les récentes actions et les négociations qui auront lieu au sein des prochaines COP visent donc à augmenter massivement les financements dédiés à l’adaptation des systèmes agricoles et alimentaires, notamment les plus vulnérables, en enrôlant massivement les acteurs publics et les acteurs privés (agriculteurs, banques, organisation de filières, agro-industriels…) dans la logique climatique, de façon à financer prioritairement des politiques agricoles focalisées sur ces objectifs. Ces transformations devront être vigilantes au risque de « maladaptations » environnementales, sociales et économiques, en particulier en mobilisant les synergies entre adaptation et atténuation pour éviter le risque d’un cercle vicieux où l’adaptation au changement climatique contribue elle-même à la hausse des émissions.
Notes
(1) Le SA (système alimentaire) est défini par le GIEC comme « tous les éléments (environnement, populations, intrants, processus, infrastructures, institutions, etc.) et activités liés à la production, à la transformation, à la distribution, à la préparation et à la consommation de denrées alimentaires, ainsi que les résultats de ces activités, y compris les résultats socio-économiques et environnementaux au niveau mondial ».
(2) D’après la dernière évaluation des ressources forestières mondiales de la FAO, l’agriculture est responsable de près de 90 % de la déforestation dans le monde.
(3) GIEC [H.-O. Pörtner, et al. (dir.)], « 2022 : Summary for Policymakers », in « Climate Change 2022 : Impacts, Adaptation and Vulnerability. Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change », Cambridge, UK and New York, NY, USA, Cambridge University Press, 2022, p. 3-33 (doi:10.1017/9781009325844.001).
(4) FAO, « La situation des marchés des produits agricoles 2018 : Commerce agricole, changement climatique et sécurité alimentaire », Rome, 2018, 92 p.
(5) FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF, « Résumé de l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, 2022 », Rome, FAO, 2022 (https://doi.org/10.4060/cc0640fr).
(6) R. S. Cottrell et al., « Food production shocks across land and sea », Nature Sustainability, 2019, p. 130-137.
(7) GIEC, « Changement climatique et terres émergées : rapport spécial du GIEC sur le changement climatique, la désertification, la dégradation des sols, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres – Résumé à l’intention des décideurs », 2019.
(8) Ibid.
(9) L. Feintrenie et al., « Deforestation for food production », in S. Dury et al. (dir.), « Food Systems at risk : new trends and challenges », Rome, Montpellier, Bruxelles, FAO/CIRAD /European Commission, 2019 (DOI : 10.19182/agritrop/00080), p. 43-46.
(10) N. Hosonuma et al. 2012, cité dans L. Feintrenie et al., op. cit.
(11) P.J. Gerber et al., Tackling climate change through livestock – A global assessment of emissions and mitigation opportunities, Rome, FAO, 2013, 139 p.
(12) Smith et al., 2008 (in Dury et al., op. cit.)
(13) Équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption du CO2 de l’atmosphère par les puits de CO2.
(14) GIEC, 2022, op. cit.
(15) GIEC, 2022, op. cit.
(16) E. Torquebiau, Changement climatique et agricultures du monde, Versailles, Quae, 2015, 327 p.
(17) FAO, 2013, op. cit.
(18) M. Hrabanski, « Une climatisation des enjeux agricoles par la science ? Les controverses relatives à la climate-smart agriculture », Critique internationale, (1) 2020, p. 189-208.
Légende de la photo en première page : Un éleveur peul dans un vent de sable en saison sèche, dans le Ferlo au Sénégal. Sécheresse, érosion, avancée du désert sont des manifestations du changement climatique dans les zones semi-arides d’Afrique de l’Ouest où l’équilibre des milieux pastoraux essentiellement valorisés par l’élevage est fragile. (© V. Blanfort)