Le boycott des législatives par l’électorat réformiste en février 2021 provoque un nouvel afflux de pasdaran au Parlement. En août est élu à la présidence un clerc radical, Ebrahim Raïssi, au passé sanglant de juge révolutionnaire. Les ultraconservateurs contrôlent désormais tous les pouvoirs en Iran. D’autant que les pasdaran ont été, entre 2019 et 2021, l’objet d’une restructuration interne, qui a entraîné la mise à la retraite de nombreux « anciens », et la montée en responsabilités de jeunes cadres idéologiquement plus radicaux. En effet, sous le contrôle de clercs délégués par le Guide suprême, l’organisation idéologique du Sepah a travaillé à renforcer l’endoctrinement des pasdaran, en particulier sous l’angle du mahdisme – l’attente eschatologique du douzième imam chiite occulté (4). Le Corps est explicitement présenté comme « l’un des outils devant préparer la voie du retour de l’imam du Temps. Une re-radicalisation chiite qui impose donc de relativiser l’analyse d’une pression à la « sécularisation du régime par les pasdaran ».
L’histoire de la République islamique est celle d’une succession de contestations systématiquement réprimées dans le sang par le Sepah : en 1999, lors de la révolte étudiante ; en 2009, contre le Mouvement vert (5) ; en 2018-2019, dans les quartiers populaires, pourtant base sociale et du soutien du régime ; depuis septembre 2022, contre les manifestants qualifiés « d’anarchistes et émeutiers à la solde de l’étranger »… Ali Khamenei, né en 1939, de santé fragile, est depuis des années ouvertement contesté par la rue. Adossé à une justice expéditive, son régime dépend toujours plus de la capacité des pasdaran à le défendre, par la torture et l’emprisonnement, avec des chevrotines dans les villes, à balles réelles au Kurdistan et au Baloutchistan… Plus qu’une « militarisation » qui balaierait la théocratie, la répression actuelle confirme la place centrale du Sepah au cœur du système (6) et sa capacité à se renouveler idéologiquement dans ses liens organiques avec le Guide suprême et le clergé.
Notes
(1) Ali Alfoneh, Iran Unveiled: How the Revolutionary Guards are Transforming Iran from Theocracy into Military Dictatorship, AEI Press, 2013.
(2) Saeid Golkar, Captive Society: The Basij Militia and Social Control In Iran, Columbia University Press, 2015.
(3) Stéphane A. Dudoignon, Les Gardiens de la révolution islamique d’Iran, CNRS Éditions, 2022.
(4) Saeid Golkar et Kasra Aarabi, « Iran’s Revolutionary Guard and the Rising Cult of Mahdism: Missiles and Militias for the Apocalypse », Middle East Institute, 3 mai 2022.
(5) Frederic Wehrey et alii, The Rise of the Pasdaran: Assessing the Domestic Roles of Iran’s Islamic Revolutionary Guards Corps, RAND Corporation, 2009.
(6) Pour l’année fiscale 2023-2024, les autorités iraniennes ont prévu une augmentation de 52 % du budget des services de renseignement, de 45 % pour les pasdaran et de 45 % pour les forces de police.
Légende de la photo en première page : le président iranien, Ebrahim Raïssi, reçoit le Premier ministre d’Irak, Mohamed Chia al-Soudani, à Téhéran, le 2 novembre 2022. © Xinhua/Présidence iranienne