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L’envol de l’Aarok

Le segment des microdrones est compliqué à appréhender : Comment se différencier par rapport aux drones grand public issus du commerce ? On voit en Ukraine qu’ils font le travail moyennant quelques adaptations. Le segment des munitions téléopérés est encore différent. Nous sommes impatients de voir ce qui ressortira des expérimentations, pas tant d’un point de vue technique que d’un point de vue doctrinal : quelles seront les règles d’engagement d’un missile qui fait des ronds dans le ciel pendant 30 minutes ? C’est une question ouverte et sincère, pas du tout ironique.

Turgis & Gaillard a un potentiel important sur plusieurs secteurs, notamment à l’export. Comment voyez-vous le développement de votre entreprise ? L’Ukraine constitue-t‑elle un axe important dans votre stratégie ?

Nous avons un accord de coopération avec Antonov pour la production de l’Aarok sous licence. Cette information a été rendue publique après le Forum international de Kiev de septembre dernier. Nous discutons avec d’autres forces armées. Mais si l’Aarok séduit et suscite beaucoup de curiosité, nous restons prudents : c’est notre premier avion, nous devons avant tout montrer qu’il vole, et qu’il vole bien. Nous avançons pas à pas, de façon aussi fluide que possible : « Slow is smooth and smooth is fast » !

Dans nos autres secteurs, l’export concerne surtout les équipements de soutien pour avions de combat, où nous bénéficions des ventes exceptionnelles des Rafale, mais aussi de prospections réussies aux États-­Unis. Nous avons un très gros carnet de commandes dans ce domaine. La maintenance est plus domestique, par nature, même si nous nous efforçons d’étendre nos offres de services vers les pays de l’OTAN, avec une structure spécifique créée l’an passé. Les armées françaises se transforment pour faire face aux nouvelles donnes géopolitiques. Mais ce pivot se fait avec le bénéfice d’une exceptionnelle expérience du combat accumulée en bande sahélo-­saharienne. Il y a donc un savoir-­faire propre aux armées françaises et à leurs fournisseurs, qui est reconnu par nos alliés. Ils sont attentifs à ce que nous pouvons leur proposer pour améliorer leur efficacité et se préparer aux engagements de haute intensité.

Propos recueillis par Joseph Henrotin, le 14 octobre 2023.

L’Aarok, premier MALE lourd français

Autofinancé, le prototype du drone MALE Aarok a été présenté pour la première fois au salon du Bourget, en juin 2023, dont il a constitué l’une des surprises. Le programme a été lancé il y a trois ans, et l’Aarok devrait voler avant la fin de l’année. Robuste, pouvant opérer depuis des pistes mal préparées, il est destiné aussi bien à l’engagement en haute intensité, en tirant parti de la portée de ses capteurs et de ses munitions, qu’à la surveillance de vastes zones, notamment outre-­mer. Présenté comme se situant entre le Bayraktar et le Reaper, y compris en termes de coût, il peut voler de 24 à 30 heures à 10 000 m d’altitude, avec une charge utile de pas moins de 3 t – soit deux de plus, par exemple, que le Heron TP israélien, ou encore 1,65 t de plus que l’Akinci. La charge utile est modulaire et peut comprendre aussi bien les boules optroniques Euroflir 410 ou 610 qu’un radar Searchmaster ou encore une charge ELINT, tout en pouvant constituer un nœud de communication incluant la L‑16, le SICS ou d’autres systèmes, en plus de sa liaison par satellite. Six points d’emport permettent d’embarquer une large gamme de munitions. Avec 5,5 t de masse maximale au décollage, c’est aussi une machine appelée à évoluer : il ne serait pas impossible, par exemple, de changer sa voilure pour accroître la portance et permettre un embarquement sur un grand navire amphibie.

Notes

(1) NDLR : Suppression of enemy air defense.

(2) NDLR : Battlefield airborne communication node.

(3) NDLR : Joint tactical air controller.

(4) NDLR (Sous)-groupement tactique interarmées.

Légende de la photo en permière page : Vu de l’arrière, l’Aarok est une machine massive, qui augure de gros volumes intérieurs exploitables. (© JH/Areion)

Article paru dans la revue DSI hors-série n°93, « Technologies militaires 2024 », Décembre 2023-Janvier 2024.
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