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ARTIC FIGHTER MEET : les exercices aériens de l’OTAN sur son flanc nord (11-13 août 2023)

De notre envoyé spécial envoyé à Vilnius (Lituanie) et Trondheim (Norvège), Patrice Cros, Directeur général du think-tank bruxellois en aéronautique, défense et propriété industrielle, Premier Cercle™. Avec la collaboration de Yannick Smaldore, rédacteur en chef du magazine DefTech.

Alors que les aviations de combat russe et occidentales se livrent régulièrement à des démonstrations de force et à des manœuvres parfois agressives au-dessus de la Mer Noire, en marge du conflit ukrainien, et à l’heure de l’intégration dans l’OTAN de la Finlande et (prochainement) de la Suède, une des suites pratiques du Sommet de l’OTAN (qui s’est déroulé à Vilnius les 11 et 12 juillet 2023) a été déployée sur la base aérienne d’Ørland dès le mois suivant, où de grands exercices de combat aérien ont réunis F-35 norvégiens, JAS-39 Gripen suédois et F/A-18 finlandais. Quelles leçons géopolitiques, stratégiques et tactiques tirer de cet exercice combiné visant à renforcer la coopération militaire et la sécurité du flanc nord de l’Alliance atlantique ?

Nouvelle Guerre froide dans le Grand Nord

Au début de la seconde guerre mondiale, la Norvège est si mal connue, lors la première bataille qui a opposé la Wehrmacht aux troupes alliées lors de la « guerre du fer », que Lord Halifax, le ministre des Affaires étrangères britannique, prend le tracé de la frontière norvégienne pour une ligne de chemin de fer et que le général allemand von Falkenhorst doit se servir d’un guide touristique pour préparer son débarquement. La guerre en Ukraine a pourtant remis le Grand Nord sur la carte qui – une fois retournée – indique la proximité des pays scandinaves avec la Russie et l’intérêt renouvelé de l’OTAN pour son flanc Nord qui s’est considérablement élargi depuis 2022 et la demande d’adhésion de la Suède et de la Finlande.

De fait, l’OTAN prépare dans cette région, pour février et mars 2024, son plus important exercice depuis la fin de la Guerre froide, « Streadfast Defender », qui comprendra 500 à 700 missions de combats aériens et verra l’engagement de cinquante bâtiments de guerre et de 41.000 troupes, notamment au-dessus de la Baltique [1].

© Ole Andreas Vevke – Royal Norvegian Air Force. 

Ce renouvellement des plans de défense est la suite concrète du sommet de Vilnius des 11 et 12 juillet 2023, auquel nous avons été convié, et qui prend acte, pour l’une des toutes premières fois, de ce qu’implique l’élargissement de l’OTAN pour ses plans opérationnels. L’adhésion de la Finlande et de la Suède a en effet deux conséquences principales. En premier lieu, l’accession de la Finlande à l’Alliance Atlantique entraîne l’apparition d’une frontière de 1340km entre l’OTAN et la Russie, qui vient s’ajouter aux quelques 196km de frontière préexistante dans cette région, entre la Norvège et l’oblast de Mourmansk, et qui fait plus que doubler la frontière totale entre la Russie et l’OTAN, qui se situait jusqu’ici majoritairement du côté des États Baltes et de l’enclave de Kaliningrad. Du point de vue de Washington, Oslo, Stockholm et Helsinki sont donc devenus les trois rideaux capables d’arrêter la Russie dans le cadre d’une éventuelle poussée vers l’Atlantique Nord.

Une analyse qui est d’autant plus importante que la seconde conséquence de cette nouvelle extension de l’OTAN est l’encerclement total de la mer Baltique par l’Alliance, qui devient de facto une mer fermée par les forces de l’OTAN, nonobstant les quelques forces navales russes déjà déployées à Kaliningrad. Une situation d’autant plus difficile à accepter pour Moscou que la Baltique a toujours été un des pivots historiques de sa doctrine militaire.

La base aérienne d’Ørland est une importante base aérienne non seulement pour la force aérienne royale norvégienne, mais aussi pour l’OTAN. Les avions alliés qui y sont déployés (ici un Gripen) peuvent y subir des opérations de maintenance. © P. Cros

Enfin, cette réorientation vers le Nord du centre de gravité de l’OTAN vient aussi remettre l’Arctique au cœur des priorités de l’Alliance. Le Grand Nord se partage en effet entre huit États qui composent depuis 1996 le Conseil de l’Arctique : le Canada, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie, la Suède, les Etats-Unis avec l’Alaska et le Danemark avec le Groenland. Six d’entre eux disposent d’ailleurs d’un accès direct à l’océan Arctique. Et cette région revêt un intérêt stratégique majeur pour l’OTAN, d’autant plus depuis le déclenchement des hostilités en Ukraine et l’accroissement des tensions globales avec la Russie. Le North Warning System, un système de radars de défense anti-aérienne, a remplacé la ligne DEW (Distant Early Warning) dans les années 80, et contribue à protéger le territoire nord-américain de menaces aériennes et balistiques qui aurait survolé la région arctique. De même, les bases américaines et de l’OTAN en Islande et au Groenland constituent des pivots essentiels pour la mise en place d’éventuels ponts aériens vers l’Europe, ou pour la conduite d’opération de bombardement ou de lutte anti-sous-marine dans l’Arctique et l’Atlantique Nord. Ressources naturelles, nouvelles routes commerciales [2] et territoires font également de la région polaire un théâtre d’opérations potentiel d’une nouvelle Guerre froide.

À propos de l'auteur

Patrice Cros

Directeur général du think-tank bruxellois en aéronautique, défense et propriété industrielle, Premier Cercle™.

À propos de l'auteur

Yannick Smaldore

Rédacteur en chef du magazine DEFTECH et rédacteur en chef adjoint du magazine SPACE INTERNATIONAL.

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