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La Palestine : un champ de ruines prêt à exploser ?

Par ailleurs, ils n’ont pas non plus d’espoir politique. Les institutions politiques palestiniennes sont corrompues et paralysées. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est totalement délégitimé. Les Palestiniens attendent une solution politique depuis trop longtemps pour y croire. 

N’ayant jamais connu les négociations, ni les accords d’Oslo et n’ayant jamais voté, la jeunesse n’a vu que la situation se dégrader. Résultat : aujourd’hui leur seul désir est la fin de l’occupation, « par tous les moyens » disent-ils. Le Fatah et l’Autorité palestinienne refusent toujours l’usage de la violence. Cependant, au sein de la population, déjà avant le 7 octobre, on ressentait notamment chez les jeunes une volonté de renouer avec les armes. Dans des villes comme Naplouse, les « martyrs » tués par les soldats israéliens sont traités comme des héros et leurs affiches tapissent les murs de la ville. Évidemment, la réponse de Tsahal aux attaques du Hamas va amplifier ce phénomène et radicaliser la population. Le massacre de son peuple ne peut qu’alimenter des désirs de vengeance.

Comment expliquer l’impasse politique dans laquelle se trouve la Palestine depuis de nombreuses années ?

Il est très difficile de faire de la politique sur un territoire totalement démembré avec une population écartelée. L’organisation d’élections est très complexe, ne serait-ce que parce qu’il faut des autorisations délivrées par Israël pour se déplacer et aller voter. Par ailleurs, la corruption a infesté petit à petit les institutions palestiniennes, les rendant aujourd’hui dysfonctionnelles.

Il est très important de revenir sur les élections législatives de 2006, qui à l’époque ont été suivies par des observateurs internationaux, dont ceux provenant du Conseil de l’Europe. Ces derniers ont reconnu le bon processus démocratique de ces élections. Cependant, lorsque le Hamas a remporté le scrutin, les observateurs internationaux ont finalement décidé de ne pas reconnaitre le résultat, puisqu’ils estimaient que le Hamas était une organisation terroriste. Bien que l’Autorité palestinienne eut reconnu en premier lieu la victoire du Hamas, elle a finalement décidé de ne pas reconnaitre les résultats des élections, sous la pression des Américains et des Européens. C’est à ce moment que le Hamas s’est replié à Gaza, où il s’est davantage radicalisé, estimant qu’il s’était prêté au jeu démocratique et qu’il n’avait pas été reconnu comme il aurait dû l’être.

Enfin, Israël s’est en quelque sorte accommodé de la situation. L’existence du Hamas est utile pour entretenir le discours « on ne traite pas avec des terroristes islamistes », qui convainc les Occidentaux, faisant écho à leurs propres préoccupations. Par ailleurs, la division du Fatah et du Hamas permet à Israël de déplorer le manque d’interlocuteurs comme « excuse » pour ne pas négocier avec les Palestiniens. 

Quid de l’avenir du Fatah et du Hamas à Gaza et en Cisjordanie ?

Il faudra voir ce qu’il reste du Hamas après l’intervention israélienne, car ils ont été clairs : l’objectif est de détruire le Hamas. En revanche, même s’ils y arrivent, ce qu’ils ne pourront pas détruire avec les bombes, c’est l’idée, portée par le Hamas, qu’il faut résister à l’occupation israélienne par la violence. Le Hamas n’était pas particulièrement populaire avant le 7 octobre, comme l’illustrait le slogan « Marre d’Abbas ! Marre du Hamas ! ». Reste que l’idée selon laquelle il faut reprendre les armes est populaire et elle survivra à la mort du Hamas, risquant même de grandir face à la violence de la riposte israélienne.

De son côté, le Fatah doit se réinventer. Traditionnellement issu de l’OLP, créé par Yasser Arafat — toujours extrêmement admiré par les Palestiniens —, le parti est symbolique pour la population qui y reste attaché. Cependant, Abbas devra rendre le pouvoir, que ce soit lors d’élections ou lorsque la fin de ses jours sera venue. Reste alors à savoir qui prendra la relève.

Il existe quelques personnalités qui semblent émerger : Marwan Barghouti, proche d’Arafat et qui a créé le mouvement des jeunes du Fatah. Il est le leader de la deuxième intifada de 2000 et est un symbole pour les Palestiniens, qui le voient depuis longtemps prendre la relève à la tête de l’Autorité palestinienne et du Fatah. Le problème est qu’il est en prison depuis 20 ans, détenu par les Israéliens pour des faits qu’il n’a pas reconnus. Nous avons également Mohammed Dahlan, ancien dirigeant du Fatah, originaire de Gaza et actuellement en exil aux Émirats depuis dix ans. Leader de la première intifada, il est depuis devenu un homme d’affaires et il semblerait qu’il ait participé à la normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis. C’est un personnage qui a l’avantage de parler à Israël. Reste à savoir s’il serait accepté par les Palestiniens, car il est moins populaire que Marwan Barghouti. 

À propos de l'auteur

Marie Durrieu

Doctorante en relations internationales associée à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM), rattachée à l’Université de Clermont Auvergne et enseignante à Sciences Po Paris.

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