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Patriot : l’ancien est le nouveau

À l’automne 2022, à l’initiative du chancelier allemand Olaf Scholtz, une quinzaine de pays européens se sont réunis au sein de l’European sky shield initiative (ESSI). Destinée à protéger l’Europe de la menace grandissante des missiles balistiques et hypersoniques russes, l’ESSI s’appuiera sur une défense multicouche qui pourrait faire la part belle à des missiles européens ou israéliens, à plus ou moins long terme. Mais, dans l’immédiat, c’est bien le système de défense à moyenne portée américain Patriot qui pourrait profiter de cette énorme aubaine commerciale.

Ce qui est souvent désigné comme « le missile Patriot » est en réalité l’un des premiers systèmes de défense aérienne intégrés développés en Occident, combinant des fonctions de communication, de contrôle et de commandement, de détection radar et de guidage de missiles antiaériens et antibalistiques. Développé par Raytheon à partir du milieu des années 1970, il entre en service en 1984 au sein de l’US Army. S’il n’existe pas à proprement parler de configuration standard pour un système Patriot, une batterie de première génération se compose généralement de cinq à huit lance-­missiles M‑901, chacun pouvant mettre en œuvre quatre missiles antiaériens MIM‑104A PAC‑1 (Patriot advanced capability), de véhicules de ravitaillement en munitions, d’au moins un radar fixe AN/MPQ‑53, du système de communication OE‑349, d’un générateur électrique et, bien sûr, d’une station de contrôle de tir AN/MSQ‑104 ECS, qui constitue le cœur du système.

Quelques années après sa mise en service, le Patriot connaît une première mise à jour, PAC‑2, qui le dote d’une capacité minimale d’interception face à des cibles balistiques de courte portée. Régulièrement améliorés, les missiles PAC‑2 sont encore en service aujourd’hui, appréciés pour leurs bonnes performances contre des aéronefs. C’est cette version PAC‑2 qui sera déployée massivement au cours de la guerre du Golfe où le Patriot se fait connaître pour ses tentatives d’interception de missiles Scud tirés vers Israël et l’Arabie saoudite. Mais le bilan de ce premier déploiement est très mitigé, plusieurs missiles étant tirés par erreur tandis que d’autres manqueront leur cible. En 2003, lors de l’invasion de l’Irak, le manque de coordination du système de combat provoquera la mort de trois pilotes britanniques et américains au cours de tirs fratricides, ternissant un peu plus la réputation du Patriot auprès de ses détracteurs.

Des contraintes opérationnelles indéniables…

Pour combler les faiblesses des premières générations de Patriot, notamment en antibalistique, Raytheon travaille rapidement à une évolution majeure du système, le PAC‑3. Entré en service au début des années 2000, le nouveau missile MIM‑104F PAC‑3 est nettement plus compact, puisqu’il est doté d’un autodirecteur radar actif et qu’il troque sa charge militaire explosive contre une capacité hit-to-kill, imposant une frappe directe sur la cible visée. Jusqu’à 16 missiles PAC‑3 peuvent être embarqués sur chaque lanceur M‑902/903, contre quatre PAC‑2 précédemment. La détection de cible est assurée par le nouveau radar à antenne AN/MPQ‑65, et le système est pleinement compatible avec la Liaison‑16.

Mais, malgré toutes ces améliorations, le PAC‑3 ne parvient pas à faire taire les critiques. Au moment des premières livraisons, les tirs d’essai (pourtant réalisés dans des conditions favorables) n’avaient pas réussi à démontrer un taux d’interception supérieur à 50 %. Pis encore, conçu dans une optique de guerre froide, le Patriot dispose de radars monodirectionnels, là où les nouveaux systèmes concurrents sont capables de contrer des attaques à 360°. Enfin, en raison de sa conception, le PAC‑3 est optimisé pour les interceptions à moyenne portée (40-80 km, selon le type de cible) et à moyenne altitude (20 000-25 000 m environ), ce qui impose de se doter de systèmes complémentaires pour les menaces à très haute et à basse altitude. De quoi, à l’époque, s’interroger sur l’avenir de ce système dont les origines remontent aux années 1970.

… qui n’empêchent pas le succès commercial

Pourtant, malgré ses limitations, le Patriot est un succès commercial qui continuera, encore et toujours, d’engranger des contrats à l’exportation. Dès les premières années de sa commercialisation, plusieurs pays hébergeant des batteries de Patriot américaines se dotent également de ce système : Allemagne, Japon, Arabie saoudite, Koweït et Corée du Sud notamment. Taïwan et Israël, bénéficiant de l’aide militaire américaine, optent aussi rapidement pour le Patriot. Il s’exporte aussi auprès d’autres membres de l’OTAN, l’Espagne et la Grèce d’abord, puis les Pays-Bas. À cette époque, toutefois, la concurrence occidentale est presque inexistante.

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