L’attaque-surprise du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, est pleinement combinée : si des actions sont menées par voie terrestre, elles impliquent aussi un usage massif de roquettes de tous types – 9 500 au 9 novembre. Ces attaques, devenues classiques, se sont ajoutées aux tirs de missiles de croisière, mais aussi d’engins balistiques provenant du Yémen. Mise sous pression d’une manière inédite, comment la défense aérienne israélienne a‑t‑elle réagi ?
Dans la foulée de la guerre du Golfe lors de laquelle il avait été visé à 39 reprises par des Scud irakiens, Israël a mis en place une organisation spécifique chargée de la recherche et développement, de l’acquisition et de la mise en œuvre de systèmes antimissiles, l’IMDO (Israël missile defence organization). Cette dernière a développé une série de systèmes répondant à une menace balistique particulièrement diversifiée, ou a repris leur développement, en coopération étroite avec les États-Unis. Cette défense repose sur la mise en réseau de trois systèmes principaux, des batteries Patriot et de leurs radars, l’ensemble bénéficiant également de l’appui d’appareils G550 de détection aérienne avancée Eitan et Oron, qui offrent une vision globale de l’espace de bataille aérienne.
Arrow : le haut endoatmosphérique et l’exoatmosphérique
Le programme Arrow (Hetz en hébreu) est lancé à la fin des années 1980 et doit permettre de faire face à la menace des missiles irakiens ou syriens, ou encore des futurs missiles iraniens. C’est celui dont la portée est la plus importante ; mais il constitue aussi un vecteur de la coopération avec les États-Unis, en particulier après une accélération au terme de la guerre du Golfe de 1991. Les travaux à son égard avaient déjà bien avancé, mais avec difficulté : un premier essai (9 août 1990), un deuxième (25 mars 1991) puis un troisième (31 octobre 1991) se sont conclus par des échecs mettant en cause soit des composants du missile, soit le suivi des lancements. Il faut attendre le 23 septembre 1992 pour qu’un lancement réussisse, mais son ambition était mince : atteindre un point dans le ciel avant que le missile ne soit détruit à distance.
Trois autres tests sont conduits en 1993, avec pour ambition non de détruire une cible, mais de passer à proximité ; le huitième essai n’est quant à lui pas réalisé à cause d’une défaillance du système informatique lors de la séquence de lancement. C’est le 12 juin 1994 que le premier test de validation du système est conduit, aboutissant à la destruction de la cible. Il est cependant réalisé avec un nouvel intercepteur, l’Arrow‑2, plus petit et plus manœuvrant. D’autres essais ont lieu avec succès en août 1995, février 1996, août 1996, mars 1997, mais en août de la même année, l’intercepteur doit être détruit. Dans le même temps, les travaux sur le système antimissile lui-même – la combinaison du radar, du lanceur et du système de gestion – se sont poursuivis, aboutissant à une simulation réussie avec tous les éléments en septembre 1998. Deux mois plus tard, les premiers missiles de série sont livrés et, le 1er novembre 1999, ce qui doit devenir la première batterie opérationnelle est testé contre une cible représentative d’un missile Scud, lancée depuis la mer. L’essai est un succès : le radar a détecté et poursuivi la cible, transmettant les informations au centre de gestion qui a recommandé les options de lancement appropriées.
Une fois lancé, le missile a trouvé sa cible et l’a éliminée par impact direct. Le 17 octobre 2000, cette première batterie est déclarée opérationnelle sur la base de Palmachim. En septembre, elle avait été engagée contre une cible Black Sparrow, un engin balistique lancé depuis un F‑15 et devant reproduire le comportement d’un missile Shahab‑3 iranien. Dès février 2001, des exercices conjoints sont menés avec les États-Unis, qui financent le programme depuis 1990 – en 11 ans, ils y participeront à hauteur de 2,13 milliards de dollars. À partir de ce moment, ils seront menés sur une base relativement fréquente : les suivants auront lieu en 2005 puis de manière plus rapprochée. Une deuxième batterie est rendue opérationnelle à Ein Shemer en octobre 2002 et est mise en réseau avec la première. Cette combinaison, qui couvre doublement le « cœur » d’Israël (globalement, de Haïfa au nord jusqu’à Sderot au sud, incluant Tel-Aviv, Jérusalem et le gros de la Cisjordanie) est à son tour testée en janvier 2003, y compris en intégrant, dans un scénario de frappes continues visant Israël, des batteries de Patriot américains envoyées sur place. Quatre Arrow‑2 plus évolués, du Block 2, sont tirés contre quatre cibles simulées. Mais si le système est opérationnel, les essais se poursuivent : en décembre 2003 (à une altitude supérieure à 50 km), mais, surtout, en juillet et août 2004, lorsque l’Arrow est testé aux États-Unis, depuis Point Mugu. Le dernier essai consistait à tester la capacité du système à repérer l’ogive larguée par le missile assaillant, puis à se verrouiller sur celle-ci. Si le choix effectué par le système était correct, le missile a connu une défaillance et l’interception n’a pas pu être réalisée.
Missile biétage à carburant solide d’une masse de 1,3 t détruisant sa cible par l’explosion d’une charge à fragmentation, le Hetz‑2 a une portée maximale de 90 km pour un plafond de 60 km. Agile, il peut atteindre la vitesse de 3 000 m/s. Chaque missile est scellé dans un conteneur de lancement, dont six sont positionnés sur chaque système de lancement Brown Hazelnut de 35 t à pleine charge, lequel sert d’érecteur aux missiles, mais également de système/relais de communication et de système de diagnostic. Le recomplètement des lanceurs peut s’effectuer en une heure. Chaque batterie Arrow‑2 est composée de quatre à huit de ces lanceurs et comprendrait, réserves comprises, entre 80 et 100 missiles. Elle comprend également un centre de commandement Citron Tree, qui permet aux opérateurs de gérer jusqu’à 14 interceptions simultanément. En plus des opérateurs de tir, le centre est conçu pour accueillir un officier de liaison de la défense civile et, originalité intéressante, du personnel spécifiquement chargé du retour d’expérience. Le rôle du Citron Tree est crucial : recevant les informations du système radar (Super) Green Pine, il doit déterminer les solutions de tir des missiles en fonction du comportement des cibles.