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Épées de fer : quelles leçons pour la défense aérienne israélienne ?

En effet, les Arrow sont lancés vers un point d’interception potentiel qui est affiné au fur et à mesure de la progression de la cible, les données étant acheminées vers le missile par l’intermédiaire de son lanceur. Une fois le premier étage largué, c’est le véhicule intercepteur du missile, qui dispose de ses propres surfaces de contrôle et de sa propre propulsion, qui prend le relais. Dans la phase terminale du vol, à quelques mètres de la cible, le missile utilise son système de guidage, lequel comporte deux modes : radar actif (produit par Lockheed Martin) et autodirecteur infrarouge à plan focal de Raytheon. La destruction doit se faire par impact (hit-to-kill), mais le système est également doté d’une fusée de proximité qui assure, en théorie, la destruction du missile assaillant à une distance de 40-50 m. Dernière composante du système, le radar AESA EL/M‑2080 Green Pine, d’une portée de 500 km, est utilisé pour la recherche, la détection et la poursuite de cibles ayant une vitesse allant jusqu’à 3 000 m/s. Opérant en bande L et bénéficiant de 2 000 à 2 300 modules émetteurs-­récepteurs, il peut suivre simultanément 30 pistes ; il a été commandé à deux exemplaires par l’Inde. Le radar est positionné sur une remorque comportant ses systèmes de refroidissement, l’ensemble ayant une masse de 60 t.

Mais au-delà des systèmes rendus opérationnels, l’Arrow est également appelé à évoluer. D’une part, au niveau du radar. Le Super Green Pine serait nettement plus puissant, ses modules d’émission/réception étant plus petits et plus nombreux. Dans le même temps, sa portée passe à 800-900 km. Un exemplaire a été commandé par Israël, au profit de la troisième batterie récemment entrée en service, deux autres l’étant par la Corée du Sud. D’autre part, le missile évolue aussi, essentiellement au niveau de son guidage terminal, l’enjeu principal touchant, d’une part, à la discrimination entre charges explosives, corps du missile et éventuels leurres et, d’autre part, à l’accroissement de la portée (et donc de la difficulté à intercepter) des missiles assaillants. Des essais autour de ces problématiques ont été conduits entre 2007 et 2012, voyant se succéder les tests de validation de plusieurs « blocks » d’évolution. De même, certains essais ont impliqué l’emploi d’une liaison‑16 entre différentes batteries. Lors de la prochaine étape, le Block 5, Israël envisage de disposer d’un système qui soit capable d’opérer non seulement avec le Super Green Pine, mais aussi avec les systèmes radars américains, qu’il s’agisse du TPY‑2 terrestre ou des radars Aegis en mer. En l’occurrence, le flux d’informations de ces derniers radars serait couplé au système de gestion Citron Tree.

L’évolution la plus importante du système Arrow est en fait un nouveau programme. L’Arrow‑3, dont le développement a été lancé en 2008 en partenariat entre Boeing et IAI, est un engin exoatmosphérique. Il s’agirait, dans la logique israélienne, de pouvoir intercepter des missiles d’une plus grande portée et dont la vitesse serait donc plus importante – concrètement donc les missiles balistiques de portée intermédiaire iraniens. Comme dans le cas de l’Arrow‑2, l’interception doit se réaliser à l’altitude la plus élevée possible, afin de minimiser les conséquences de l’explosion de charges nucléaires, biologiques ou chimiques du missile assaillant. Reste que le programme est plus complexe, que ce soit d’un point de vue industriel – Boeing fournissant 40 à 50 % des composants du missile – ou opérationnel. Le missile lui-­même doit comporter deux étages et doit effectuer son interception suivant un mode hit-to-kill, en s’appuyant exclusivement, pour l’attaque terminale, sur ses capteurs embarqués. Effectuant ses interceptions à une altitude supérieure à 100 km, l’Arrow‑3 a une masse inférieure à celle de l’Arrow‑2 et est également plus petit et plus rapide. Les nouvelles capacités obtenues pourraient, au demeurant, ne pas se limiter à la défense antimissile de territoire et, selon les responsables israéliens, inclure la défense antisatellite en orbite basse.

Testé à partir de 2013, le système progresse régulièrement, autorisant une interception exoatmosphérique en juillet 2019 – l’Arrow‑3 étant officiellement opérationnel depuis juillet 2017. Le premier engagement au combat de l’Arrow intervient le 31 octobre 2023, lorsqu’un Arrow‑2 intercepte un missile tiré par les houthistes. L’interception est alors présentée comme menée à plus de 100 km d’altitude – au-delà donc de l’enveloppe de performances officielle du missile. Un Arrow‑3 est quant à lui tiré le 9 novembre 2023, là aussi pour intercepter un missile en provenance du Yémen, avec une interception réalisée au-dessus de la mer Rouge. Reste aussi à voir quel sera le rythme des attaques du proxy de l’Iran et ses conséquences sur les stocks de missiles. Le système est par ailleurs au cœur de l’initiative Sky Shield allemande, Berlin étant le premier État à officiellement commander le système israélien fin septembre 2023.

Le Dôme de fer

Si l’Arrow est un programme historique, deux autres programmes structurants sont directement issus de la guerre de 2006 contre le Hezbollah. Le Dôme de fer a connu son premier test début juillet 2008, avant d’être déclaré opérationnel le 27 mars 2011. Il a été conçu par IAI pour intercepter des roquettes, obus et missiles d’une portée pouvant aller jusqu’à 70 km – en sachant cependant que la principale menace était les Qassam palestiniennes, d’une portée de seulement quelques kilomètres. Les Israéliens ont fait face, là, à la simplicité du système de roquettes adverses, très rustiques, mais dont le temps de vol est généralement inférieur à 15 secondes et dont la trajectoire peut être très aléatoire. Or, la détection, l’identification et la détermination de l’angle d’attaque par le système nécessitent le même délai, les intercepteurs Tamir étant lancés durant ce laps de temps avant d’être affectés à leur cible par liaison de données.

Le radar de batterie Elta EL/M‑2084 Mini MMR est la version à la plus courte portée de la famille EL/M‑2084. Système AESA 3D en bande S couplé à des systèmes IFF et à un mât optronique, il est réputé capable de suivre 1 100 pistes et est relié au système de commandement. Ce dernier fonctionne en calculant la trajectoire des roquettes détectées, déterminant les points d’impact. Si ceux-ci sont situés dans des zones habitées, le système enclenche automatiquement la séquence de lancement. Les missiles Tamir sont groupés par 20 dans chaque unité de lancement, une batterie en comportant généralement trois. Le missile lui-­même est conçu et construit par Rafael. D’une longueur de 3 m pour un diamètre de 16 cm et une masse au lancement de 90 kg, il est extrêmement manœuvrant et doté d’un guidage électro-­optique pour l’attaque terminale. Sa portée est de l’ordre de 40 km. Le missile est doté d’une fusée de proximité, éliminant le besoin d’une frappe directe sur l’engin assaillant.

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