Ruptures technologiques et nouvelles doctrines
Toutes ces caractéristiques réunies – autodirecteurs plus précis, liaisons de données, portée améliorée – permettent aux missiles antinavires modernes d’agir comme de véritables missiles de croisière capables de frapper des cibles côtières ou situées au cœur des terres. Cette polyvalence devrait encore se renforcer avec les prochaines générations de missiles antinavires furtifs ou supersoniques. Optimisés pour percer les défenses aériennes des groupes navals, ces derniers seront nativement adaptés à la suppression des défenses adverses (SEAD) à terre (1).
Leurs modes de guidage pourraient également évoluer. À l’exception des missiles de plus petits calibres comme le Naval Strike Missile norvégien ou l’ANL/Sea Venom franco-britannique qui utilisent un guidage infrarouge, la quasi-totalité des missiles antinavires actuels s’appuient sur des autodirecteurs radar couplés à une navigation INS/GPS. Avec l’arrivée des technologies GaN (2), les radars peuvent être plus compacts, plus légers, moins énergivores et plus résistants au brouillage, sans sacrifier les performances. De quoi intégrer, dans un volume identique, des autodirecteurs à voies multiples combinant guidage radar et guidage infrarouge par exemple. À plus long terme, le déploiement de mégaconstellations en orbite basse, optimisées aussi bien pour les communications que pour la détection de cibles, permettrait à des missiles de longue portée d’être informés en temps réel des déplacements de leurs cibles. Opérant comme de gigantesques munitions rôdeuses, ils frapperont à la demande avec une extrême précision, évitant les erreurs de tir et réduisant le nombre de missiles nécessaires pour obtenir un coup au but à très longue distance.
Missiles antinavires et batteries côtières aujourd’hui
Néanmoins, en attendant que ces programmes débouchent sur des équipements concrets, il convient de réaliser un tour d’horizon des principaux systèmes aujourd’hui proposés sur le marché européen et à l’exportation, en nous concentrant sur les missiles antinavires conçus pour être embarqués sur des bâtiments de combat et compatibles avec des installations côtières (3).
Exocet (MBDA – France)
Difficile de commencer cette sélection sans aborder l’Exocet, qui s’est rendu célèbre aux Malouines et dans le Golfe durant les années 1980. Après une première version mer-mer MM‑38, l’Exocet a été dérivé en MM‑40 plus performant, compatible avec une intégration sur navires ou sur batteries côtières. Lancée au début des années 2000, la version MM‑40 Block 3 pèse 780 kg et voit sa portée passer de 70 à près de 200 km grâce à l’intégration d’un turbopropulseur. Livré dès 2022, le nouveau Block 3c comprend enfin un nouvel autodirecteur radar plus précis et plus résistant au brouillage, grâce à des technologies numériques de pointe.
Toutes versions confondues, l’Exocet est sans doute l’un des missiles antinavires les plus répandus au monde, avec de nombreux opérateurs en Amérique latine, en Europe, en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. On notera que le Qatar, qui s’est équipé du MM‑40 Block 3 pour ses récents navires de surface, a également intégré ce missile sur ses batteries côtières.
RBS‑15 (Saab – Suède)
Développé par Saab dans les années 1980, le RBS‑15 est propulsé dès l’origine par un turboréacteur qui confère à la version Mk1 une portée de 70 km. Par la suite, la version Mk2 vient améliorer le système de guidage et les liaisons de données. Mais c’est avec la version Mk3, produite à partir de 2004, que le RBS‑15 changera de dimension. Développé en coopération par Saab et l’allemand Diehl, le Mk3 est doté d’un nouveau système propulsif lui donnant une portée d’environ 200 km. L’intelligence embarquée du missile est aussi améliorée, et son imposante charge militaire de 200 kg est modifiée pour lui permettre de détruire aussi bien des navires que des cibles terrestres. Enfin, en 2018, Saab a présenté la famille de RBS‑15 Mk4 Gungnir qui affiche une portée supérieure à 300 km. Conçu dès l’origine pour pouvoir être lancé depuis un navire, un camion ou un avion, le Gungnir peut détruire des cibles aussi bien navales que littorales ou terrestres.
Dans ses versions mer-mer, le RBS‑15 équipe plusieurs marines, notamment en Suède, en Finlande, en Allemagne, en Algérie et en Pologne. Le RBS‑15 Mk3 a également été sélectionné par la Bulgarie afin d’équiper ses futurs patrouilleurs. Enfin, il convient de noter que le RBS‑15 connaît un beau succès en tant que système de combat littoral. Il équipe notamment des batteries côtières suédoises, croates et finlandaises.