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Missiles antinavires et batteries côtières : nouvelles technologies et nouveaux marchés pour les industriels européens

Teseo Mk2/EVO et Marte-ER (MBDA – Italie)

Tout à la fin des années 1960, la firme italienne Oto Melara et la société française Matra développent conjointement le missile Otomat. Mais la France lui préfère l’Exocet et l’Italie poursuit seule le développement du missile, nommé localement Teseo. À partir des années 1970, la version Mk.2 est dotée d’un turboréacteur et d’une capacité de rafraîchissement à mi-­parcours, permettant des tirs jusqu’à 175 km. Entré en service en 2007 en Italie sous la désignation Teseo Mk.2/A, l’Otomat Mk.2 Block IV dispose de capacités de frappe vers la terre, et a été exporté en Égypte et au Bangladesh.

Plus récemment, MBDA Italie a conçu le Teseo Mk.2/E, aussi nommé Teseo EVO ou Otomat Mk.2E. Malgré sa désignation, il s’agit d’un tout nouveau missile, doté d’un fuselage entièrement revu, plus court, plus léger et plus furtif, équipé d’un nouveau propulseur lui conférant une portée de plus de 350 km et surtout d’un autodirecteur combinant un radar et un senseur électro-­optique. Il doit être livré vers 2027, et devrait même pouvoir être intégré à des lanceurs verticaux, si un client le demande.

À noter que MBDA Italie commercialise également le Marte‑ER, un missile à guidage radar deux fois plus léger (350 kg au lieu de 700 kg), capable de porter à plus de 100 km. Optimisé pour un emport sur hélicoptères, il peut être utilisé depuis un navire ou des batteries côtières, le Qatar l’utilisant en ce sens aux côtés de l’Exocet Block 3.

Naval Strike Missile (Kongsberg – Norvège)

Successeur du missile Penguin, qui a équipé de nombreux hélicoptères de l’OTAN, le NSM de Kongsberg est également un missile léger de 350 kg, ce qui ne l’empêche pas de pouvoir parcourir près de 200 km. Il se distingue aussi de ses concurrents par son autodirecteur infrarouge qui a l’avantage d’être plus discret qu’un radar, au détriment d’une portée de détection plus faible, notamment par mauvais temps.

Occupant une niche commerciale que le Marte‑ER n’a pas encore réellement pénétrée, le NSM est pour l’heure le missile antinavire de conception européenne qui se vend le mieux, en grande partie parce qu’il a été sélectionné par les États-­Unis pour équiper les navires de combat littoral (LCS) et les nouvelles batteries côtières mobiles des Marines. Sous la désignation JSM, c’est aussi le seul missile antinavire intégré à l’omniprésent chasseur F‑35, ce qui lui ouvre un gigantesque marché captif. De fait, Kongsberg profite pleinement de la force de frappe commerciale de ses partenaires américains Raytheon et Lockheed Martin, qui positionnent le NSM sur le marché de remplacement du Harpoon.

En Europe, il équipe ainsi de nombreuses batteries côtières polonaises et certaines frégates allemandes. Ces trois dernières années, le missile a aussi été sélectionné par la Roumanie et la Lettonie pour leurs batteries côtières, ainsi que par l’Espagne, le Royaume-­Uni et les Pays-Bas (ainsi que probablement la Belgique) pour équiper des frégates. Un véritable rouleau compresseur commercial qui n’est pourtant pas une solution parfaite en toutes circonstances.

Besoins croissants en mer Noire et en Méditerranée orientale

Dans les prochaines années, après une vague d’achats en Europe du Nord, c’est le flanc sud-est de l’OTAN qui pourrait connaître une recrudescence des acquisitions de missiles antinavires, notamment pour de nouvelles batteries côtières. En Ukraine, l’usage combiné des missiles Neptune et des drones a montré la pertinence de ce concept, nettement plus facile et discret à déployer qu’une unité navale majeure, tout en offrant une réelle capacité d’interdiction d’accès. Dans cette zone, deux pays sont probablement à surveiller de près. Le premier est la Bulgarie, qui a récemment fait l’acquisition de RBS‑15 Mk3 pour ses futures corvettes MMPV, mais qui pourrait avoir besoin de renouveler rapidement ses vieilles batteries côtières armées de missiles P‑15 de l’ère soviétique. De l’autre côté des Dardanelles, la Grèce fait face à un besoin criant en nouveaux missiles antinavires. Pour Athènes, la menace est moins celle de la marine russe que celle du déclassement vis-à‑vis d’Ankara, qui produit déjà son nouveau missile Atmaca alors même que les Harpoon de la marine grecque arrivent progressivement en fin de vie.

Pour la Bulgarie comme pour la Grèce, le besoin porte sur un engin capable de frapper en haute mer, mais aussi d’opérer en zones littorales. Pour les forces de défense bulgares, il s’agit de contrer des opérations amphibies ou des déposes de commandos russes par exemple. Pour la marine grecque, l’enjeu est le maintien du contrôle sur les îles de la mer Égée. Pour l’un comme pour l’autre, le besoin en mobilité pourrait militer pour l’acquisition du NSM norvégien, qui semble largement séduire du côté de la Baltique. Cependant, plusieurs considérations techniques et opérationnelles tendraient à faire pencher la balance dans une autre direction, en tout cas sur ces deux marchés potentiels.

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