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Missiles antinavires et batteries côtières : nouvelles technologies et nouveaux marchés pour les industriels européens

Comment choisir son missile antinavire ?

D’une part, si la petite taille du NSM permet de l’intégrer sur des batteries très mobiles, elle impose aussi une charge militaire réduite de moitié par rapport à celle d’un missile lourd, limitant son efficacité face à de gros navires de transport ou de débarquement amphibie. Le guidage infrarouge, certes discret, présente une portée bien plus réduite qu’un autodirecteur radar, surtout dans des conditions météo dégradées, et peut être berné par certains leurres ou fumigènes. De manière générale, les autodirecteurs radars modernes restent plus performants par tous les temps, notamment lorsqu’il s’agit d’estimer la distance exacte de la cible et d’adapter la trajectoire du missile. De plus, le conflit ukrainien a montré l’importance d’utiliser ses armes de longue portée en mode tire-­et-­oublie afin de s’exposer le moins possible aux ripostes ennemies. Autant d’éléments qui militeraient pour l’acquisition de missiles à guidage radar, disposant d’un plus grand champ de détection, en attendant que des autodirecteurs à voies multiples arrivent sur le marché.

D’autre part, dans un contexte de conflit de haute intensité, les questions logistiques restent essentielles. La possibilité de gérer un stock unique de missiles pour armer à la fois ses navires de surface et ses batteries côtières pourrait alors s’avérer très précieuse, notamment si un navire est indisponible ou hors de combat, mais ses missiles encore intacts. Mieux encore, un système commun peut faciliter la conduite de frappes coordonnées entre des lanceurs à terre et des navires de combat, notamment pour des actions décisives en début de conflit.

Concrètement, cela pourrait jouer en faveur du MM‑40 Exocet en Grèce, qui utilise déjà le Block 3 sur ses vedettes de la classe Roussen, et qui intégrera le Block 3c sur ses futures frégates FDI ainsi que l’AM‑39 sur ses Rafale. Athènes est aussi un client historique des batteries côtières Exocet, ayant réceptionné des MM‑38 dans les années 1970, et des MM‑40 Block 2 dans les années 1990. Alors que les Harpoon intégrés sur ses vieilles frégates arrivent à bout de potentiel, ce pourrait être l’occasion d’uniformiser sa logistique autour d’un seul missile lourd. En Bulgarie, suivant la même logique, le RBS‑15 se présente comme une solution rationnelle et performante, d’autant plus que le Mk3 sélectionné pour les patrouilleurs modulaires polyvalents (MMPV) est une toute nouvelle capacité de haut niveau pour la marine bulgare. Reste à voir si Sofia débloquera le budget pour le remplacement de ses P‑15 Termit antédiluviens.

Affaires à suivre, d’autant que ces arguments s’appliquent également à d’autres États demandeurs de missiles antinavires et de batteries côtières, notamment au Moyen-Orient et en Asie du Sud‑Est.

Notes

(1) C’est notamment ce qui est prévu pour le futur missile supersonique conçu dans le cadre du programme FMC/FMAN mené par la France et le Royaume-­Uni, avec la participation de l’Italie.

(2) Les antennes électroniques actives GaN utilisent des modules intégrants des semi-conducteurs au nitrure de gallium, plus efficients que les modules GaAs (arséniure de gallium) des générations précédentes.

(3) Les missiles lancés de sous-­marins ou d’avions seront abordés dans un prochain numéro de DefTech.

Légende dela photo en première page : En fonction des besoins, Saab propose aujourd’hui le RBS-15 Mk3 ou le Mk4, dotés des technologies les plus modernes. Certains analystes estiment que les autodirecteurs des missiles à guidage radar les plus avancées sont capables de distinguer la forme de leur cible au sein d’un espace maritime saturé, ce qui permet de frapper exactement le navire souhaité avec une réelle économie de missiles, moins de dommages collatéraux, et une meilleure résistance au leurrage. © Saab

Article paru dans la revue DefTech n°08, « L’avenir de la guerre. sous-marine », Janvier-Mars 2024.
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