Cette interaction entre le NGF et ses remote carriers fait également s’interroger sur l’architecture générale de l’avion. Comme il nous l’a été confirmé au FID 2023, trois ou quatre configurations différentes sont actuellement à l’étude, avec probablement des différences notables sur la taille de la soute, la capacité d’emport en carburant, ou même les performances dynamiques de l’appareil. Le choix entre l’une ou l’autre des configurations dépendra des fonctionnalités qui pourront être prises en charge par les remote carriers et, éventuellement, les drones et autres loyal wingman qui seront intégrés au SCAF. Plus ces derniers pourront prendre en charge certaines tâches et missions (désignation de cibles, emport de bombes, protection aérienne, etc.), plus il sera possible d’optimiser le NGF pour des missions de hautes performances ne pouvant être confiées à des drones. Toutefois, s’il est établi que les remote carriers les plus légers pourront être directement mis en œuvre par le NGF, il est pour le moment prévu de déployer les plus imposants à partir d’avions de transport A400M, voire depuis des terrains d’aviation. Dans un contexte naval, ces derniers pourront-ils être mis en œuvre depuis des lanceurs verticaux de frégates, ou même depuis les catapultes du porte-avions, sans nécessiter de profondes reconceptions ? Pour peu que les partenaires allemands et espagnols (mais aussi l’armée de l’Air française) refusent de prendre en charge le surcoût d’une telle polyvalence, la Marine nationale aura-t‑elle les moyens de financer seule ses propres effecteurs déportés navalisés ? Ou devra-t‑elle accepter que ses NGF ne soient pas aussi performants que ceux opérés à terre, faute d’un accès à tous les vecteurs du SCAF ?
Le NGF, mais encore ?
Telles que les choses nous sont présentées aujourd’hui, et pour peu que le programme SCAF se maintienne tel que prévu, il semble donc que l’on se dirige vers un NGF plus spécialisé que le Rafale actuel. Si certaines des missions traditionnellement dévolues aux avions de combat embarqués (ISR, appui aérien rapproché, etc.) seront en partie confiées aux remote carriers, d’autres devront aussi trouver de nouveaux vecteurs. Ainsi, pour les opérations de ravitaillement en vol, la Marine nationale continuera-t‑elle d’utiliser ses avions de combat ? Ou bien, à l’instar de l’US Navy, choisira-t‑elle de confier cette tâche à des drones spécifiques, afin de ne pas trop entamer le potentiel de ses précieux avions d’arme ? Ce sera peut-être là l’occasion de voir des MQ‑25 Stingray de Boeing à bord du PANG aux côtés des E‑2D Hawkeye, déjà d’origine américaine. À moins que cette tâche n’incombe à un éventuel futur loyal wingman de conception française ?
Le développement d’un dérivé agrandi du drone Neuron a en effet été récemment intégré au standard F5 du Rafale, encore en cours de conception, afin de servir de base pour un futur loyal wingman français. Si les loyal wingman ne sont pas inclus de base dans le périmètre du SCAF, il est prévu dès l’origine que chaque utilisateur de ce système de systèmes puisse y interfacer des vecteurs compatibles de conception nationale, notamment les loyal wingman et autres UCAV de grandes dimensions. Ce « Neuron XL », s’il voit effectivement le jour, sera-t‑il navalisé ? Si tel était le cas, il pourrait accompagner le Rafale F5 pendant la phase de transition vers le NGF, puis continuer à épauler ce dernier dans ses missions. On pourrait même imaginer que cet hypothétique futur compagnon du NGF, ainsi que de futurs drones MALE navalisés, puissent remplir seuls certaines des missions de combat les moins exigeantes. Pour peu que l’on remplace les PHA de la classe Mistral par de véritables porte-drones, à l’instar de ce qui est prévu en Chine, en Turquie ou encore en Italie et au Portugal dans une moindre mesure (4), la Marine nationale pourrait dès lors bénéficier de certaines des briques opérationnelles du SCAF en toutes circonstances, même lorsque son PANG et ses NGF embarqués ne sont pas disponibles. Affaire à suivre, donc.
Notes
(1) Voir notre article p. 40-43.
(2) On peut notamment citer les cas du F-111, du Jaguar M ou encore du LCA Tejas. Le J-15B chinois, lointain dérivé du Su-33 russe, pourrait être la seule exception notable.
(3) Nonobstant le fait qu’Airbus soit maître d’œuvre sur les volets « cloud de combat » et « effecteurs déportés », et que l’Allemagne reste maître d’ouvrage sur l’Eurodrone…
(4) Voir à ce sujet « Porte-drones, nouvelle porte d’entrée pour les aéronavales embarquées ? », DefTech, no 4, janvier 2023.
Légende de la photo en première page : La grande taille du NGF, segment piloté du SCAF, a une incidence directe sur la conception du nouveau porte-avions. (© Dassault Aviation/L. Charleau)