Il apparait que Mayotte fait l’objet d’une attention particulière de la Russie concernant son statut territorial. Dans une interview publiée le 11 avril 2022 sur le site du ministère des Affaires étrangères russes, le ministre Sergueï Lavrov compare la situation de Mayotte avec celle de la Crimée. Il indique que l’ONU n’a jamais entériné le vote du référendum de 1974 par lequel la population mahoraise s’est déterminée en faveur de son rattachement à la France. Il souligne que ce qu’il considère comme une rupture avec le droit international n’a jamais fait l’objet de sanctions (3). La mise en perspective de Mayotte comme cas d’un droit international à géométrie variable participe à la décrédibilisation des institutions internationales par une connivence supposée avec la France. De fait, Mayotte est susceptible de devenir le cas d’école russe de son narratif antifrançais et antioccidental.
L’ambassadeur russe Andreev a indiqué le 5 décembre 2022 que la Russie était prête « à envisager toutes les options de coopération, en tenant compte des intérêts nationaux des Comores ». Le représentant russe a rappelé la relation historique qui lie les deux États, notamment dans les domaines de la formation des cadres et des médecins. Il a ensuite souligné l’intérêt à développer la coopération dans les secteurs de la pêche, de l’agriculture et des infrastructures. La fourniture de céréales a aussi été évoquée.
On note une activité diplomatique russe renouvelée dans la zone sud de l’océan Indien depuis le mois de septembre 2022 qu’illustrent les échanges entre Russie et Madagascar à cette période (4). La guerre en Ukraine y est évidemment pour quelque chose. Toutefois, ce regain d’activité ne doit pas être uniquement vu comme un fait de conjoncture. Il s’inscrit dans la dynamique engagée par la Russie en Afrique subsaharienne depuis plusieurs années.
La guerre en Ukraine questionne les relations des États avec la Russie. Le gouvernement de l’archipel a voté par deux fois aux Nations Unies en faveur des sanctions contre la Russie (5). L’opposition au gouvernement comorien considère que « les Comores n’ont aucun intérêt à rompre les relations diplomatiques avec la Russie » (6). Manifestement, le président Azali Assoumani non plus, depuis ses déboires électoraux d’une part et l’opération « Wambushu » d’autre part, en dépit du soutien apporté à la partie comorienne dans sa candidature à la présidence de l’Union africaine (UA), au détriment du Kenya.
Les Comores en piste pour les routes de la soie
La Chine développe avec les Comores les formes classiques de son influence à travers le soutien au développement et à la construction d’infrastructures. Elle inscrit ainsi l’archipel dans le cadre de l’initiative du Forum de coopération sino-africaine, « la ceinture et la route » (7).
C’est notamment dans le domaine sportif que Pékin prête main-forte à Moroni. Ainsi, en 2023, à quatre mois du lancement de la Coupe d’Afrique des Nations, les Comores sont embarrassées par le risque de voir le stade de Malouzini ne pas être agréé par l’organisation de la compétition : problème de pelouse, manque de sièges en gradins, espace média inadapté, espaces VIP pas au niveau. Les Comores sollicitent alors l’appui de la Chine qui le leur apportera.
Le 31 aout 2023, le Comité international des Jeux des iles de l’océan Indien (CIJ) attribue l’organisation des jeux de 2027 aux Comores. Fierté, mais aussi défi pour l’État comorien, dont les infrastructures nécessaires à l’accueil des épreuves nécessitent d’être au mieux revues et, pour de nombreuses autres, restent à construire. Le soutien chinois ne se fait pas attendre : dès novembre 2023, une délégation de six ingénieurs chinois est présente dans l’archipel pour une mission de 12 jours concernant le futur gymnase de Mitsoudjé et la piscine de Malouzini. Cette mission est en réalité la traduction d’un soutien déclaré bien plus tôt par la Chine à l’adresse des autorités comoriennes, bien avant la décision du CIJ, dès janvier, comme le relate l’édition du 10 janvier d’Al-watwan, relayant les propos du président Azali concernant la « disponibilité de la République populaire de Chine à construire une piscine olympique et un gymnase aux normes internationales ».
La Chine a aussi apporté un soutien à la candidature comorienne pour l’organisation des jeux. Ainsi, Guo Zhijun, ambassadeur de Chine aux Comores, déclare au mois de mars que si son pays avait le droit de vote pour l’organisation des jeux, il voterait pour les Comores (8). À cette occasion, en plus du soutien à la construction, il propose un soutien à la formation de spécialistes comoriens pour l’organisation de ces jeux. Certes, la Chine n’a pas droit de vote, mais on peut raisonnablement penser que cette expression de soutien a bien été entendue, notamment dans la compétition qui opposait Comores et Mayotte pour l’obtention de l’organisation de ces jeux.
Ces bonnes relations avec la Chine dépassent largement le cadre des seuls jeux des iles comme le met en lumière l’entretien que l’ambassadeur Zhijun donne le 1er mars dernier à Al-watwan : il souligne l’augmentation de 80 % des échanges commerciaux entre les deux pays en 2023 et le développement des relations dans une large diversité de domaines — santé, technologie, échanges académiques, facilitations de visas, construction d’infrastructures routières et d’hôpitaux, ajustement normatif facilitant l’exportation de produits comoriens en Chine, etc. La situation géographique des Comores n’échappe pas à la Chine qui a identifié le port de Bangoma à Mohéli comme « une plateforme logistique pour le commerce régional » (9).