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La diplomatie algérienne face aux nouvelles configurations géopolitiques mondiales

La montée en puissance de la Chine sur la scène internationale offre une opportunité considérable pour l’Algérie, sur les plans économique et diplomatique. Comme avec Moscou, Alger entretient des relations anciennes et solides avec Pékin, basée sur l’imaginaire de la coopération Sud-Sud, qui trouve ses racines dans la conférence de Bandung (1955) et la solidarité anticoloniale et anti-impériale du mouvement afro-asiatique. La Chine a été le premier pays non-arabe à reconnaitre le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) en 1958, et à lui offrir un soutien diplomatique, financier et logistique. À son tour, l’Algérie indépendante a soutenu le retour de la Chine à l’ONU en 1971 et son élection en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Au-delà des convergences idéologiques et de principes, le pouvoir algérien apprécie la politique chinoise de non-ingérence dans les affaires internes de ses partenaires.

Pays riche en matières premières et pivot entre l’Afrique et l’Europe, l’Algérie est un partenaire clé pour le développement des nouvelles routes de la soie (Belt and road initiative, BRI) sur le continent africain et lui offre une porte sur la Méditerranée. Depuis ces dix dernières années, Pékin devient le premier partenaire commercial de l’Algérie avec une part de marché de 17 %. Dans le domaine du BTP, les Chinois ont remporté plusieurs contrats de construction ou de modernisation des infrastructures algériennes : des installations portuaires, comme celle d’El Hamdania, la moitié de l’autoroute est-ouest (1 200 km), la nouvelle aérogare de l’aéroport d’Alger, la grande mosquée d’Alger, le stade olympique à Oran, de grands hôtels (Hilton, Sheraton…), le nouveau siège du ministère des Affaires étrangères et la Cour constitutionnelle (5). Pourtant, la coopération économique entre Alger et Pékin souffre d’un déséquilibre dans la balance des échanges. L’Algérie n’exporte rien vers son partenaire en dehors des matières premières et des hydrocarbures. Ce déficit est accentué par l’absence d’investissement chinois en Algérie hors l’énergie et le phosphate.

Enjeux et conséquences du conflit israélo-palestinien

Depuis le début de l’offensive militaire israélienne sur Gaza, à la suite de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, Alger ne cesse d’exprimer son soutien à la cause palestinienne et le désarroi quant au lourd bilan des victimes palestiniennes causée par les bombardements israéliens sur Gaza. Tebboune a déclaré dans un discours prononcé le mardi 31 octobre 2023, à la veille de la commémoration du 69anniversaire du lancement de la révolution de libération algérienne, que cette occasion « coïncide avec les répercussions dangereuses de la persistance de l’occupation israélienne dans son agression contre le peuple palestinien et sa poursuite de la perpétration répétée de crimes de génocide dans la bande de Gaza » (6). Cette déclaration s’inscrit dans la position traditionnelle de la diplomatie algérienne en faveur de la cause palestinienne qui motive le refus d’Alger à reconnaitre l’État hébreu à ce jour.

Dirigée par une diplomatie militante, l’Algérie a soutenu activement, depuis son indépendance, le droit des Palestiniens à l’autodétermination et leur a également offert un soutien financier, militaire et diplomatique. Fin 2021, l’Algérie a lancé une initiative visant à réconcilier les factions palestiniennes et est parvenue en juillet 2022 à une rencontre historique à Alger entre le président palestinien, Mahmoud Abbas, et le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Grâce à la médiation algérienne, un accord de paix est signé le 13 octobre 2022 au Palais des Nations, lieu symbolique qui a vu la naissance de l’OLP et la proclamation de la création d’un État palestinien en 1989, sous le leadership de Yasser Arafat. Cet accord, baptisé la « Déclaration d’Alger pour la réconciliation nationale », prévoyait l’organisation d’élections d’ici octobre 2023.

L’onde de choc causée par la guerre brutale que mène l’armée israélienne à Gaza, faisant des milliers de morts, se répercute négativement sur le Maghreb et risque de crisper encore plus les relations algéro-marocaines. Rappelons que la normalisation entre le Maroc et Israël fin 2020 était en grande partie à l’origine de l’escalade des tensions entre Alger et Rabat ayant conduit à la rupture diplomatique. La fracture que provoque cette guerre au sein de la communauté internationale risque aussi de refroidir les relations entre l’Algérie et les partenaires européens, dont la France, alignés derrière Israël. À l’instar de plusieurs États du monde, l’Algérie dénonce un double discours occidental qui s’oppose à l’intervention russe en Ukraine mais ne condamne pas les bombardements israéliens à Gaza. Devenue membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU depuis janvier pour la période 2024-2025, l’Algérie s’offre une tribune pour un meilleur plaidoyer en faveur de la cause palestinienne et d’autres dossiers.

En somme, la diplomatie algérienne évolue dans un contexte géopolitique bouleversé qui offre des opportunités de rebond et d’affirmation sur la scène régionale et internationale. Toutefois, l’Algérie va devoir faire face à des défis multiples. L’arrivée au pouvoir au Mali de dirigeants peu enclins à la négociation politique, et soutenus par des acteurs étrangers, bouscule la feuille de route tracée par l’accord d’Alger et les relations algéro-maliennes. Sur la guerre à Gaza, la position algérienne reste constante mais sa réaction est peu audacieuse pour s’affirmer dans un environnement géopolitique tendu, dominé par de nouvelles alliances et l’émergence d’acteurs plus agressifs avec lesquels Alger va devoir conjuguer.

Notes

(1) Pieter D. Wezeman, Justine Gadon and Siemon T. Wezeman, « Trends in International Arms Transfer, 2022 », Stockholm International Peace Research Institute, mars 2023 (https://​www​.sipri​.org/​s​i​t​e​s​/​d​e​f​a​u​l​t​/​f​i​l​e​s​/​2​0​2​3​-​0​3​/​2​3​0​3​_​a​t​_​f​a​c​t​_​s​h​e​e​t​_​2​0​2​2​_​v​2​.​pdf).

(2) Simon Petite, « À l’ONU, le front diplomatique contre la Russie est étonnamment stable », Le Temps, 13 octobre 2022 (https://​www​.letemps​.ch/​m​o​n​d​e​/​e​u​r​o​p​e​/​l​o​n​u​-​f​r​o​n​t​-​d​i​p​l​o​m​a​t​i​q​u​e​-​c​o​n​t​r​e​-​r​u​s​s​i​e​-​e​t​o​n​n​a​m​m​e​n​t​-​s​t​a​ble).

(3) L’Algérie était le seul pays africain ayant participé à cet événement réservé habituellement aux plus proches alliés de Moscou.

(4) Ministère de la Défense de la Fédération de Russie, « Algérie accueille la conférence finale de planification de l’exercice conjoint russo-algérien “Bouclier du désert-2022” », 9 aout 2022 (https://​fr​.mil​.ru/​f​r​/​n​e​w​s​_​p​a​g​e​/​c​o​u​n​t​r​y​/​m​o​r​e​.​h​t​m​?​i​d​=​1​2​4​3​2​2​7​7​@​e​g​N​ews).

(5) Yahia H. Zoubir, « Les relations de la Chine avec les pays du Maghreb : la place prépondérante de l’Algérie », Confluences Méditerranée, 2019, vol. 2, n°109, p. 91-103 (https://​www​.cairn​.info/​r​e​v​u​e​-​c​o​n​f​l​u​e​n​c​e​s​-​m​e​d​i​t​e​r​r​a​n​e​e​-​2​0​1​9​-​2​-​p​a​g​e​-​9​1​.​htm).

(6) Ahmed Gouda, « Tebboune : Ce qui se passe à Gaza est un véritable crime de guerre », AA, 1er novembre 2023 (https://www.aa.com.tr/fr/afrique/tebboune-ce-qui-se-passe-%C3%A0-gaza-est-un-v%C3%A9ritable-crime-de-guerre/3039700).

Article paru dans la revue Diplomatie n°126, « Taïwan : statu quo ou tournant stratégique ? », Mars-Avril 2024.
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