Des articles indiquent que Pékin est bien conscient du rôle que jouerait la guerre des mines et de la menace qu’elle représenterait pour la Chine continentale dans un affrontement majeur, notamment autour de Taïwan. Faisant référence à la campagne de minage menée par l’US Navy en 1945 contre le Japon, un auteur chinois considère cette campagne comme aussi importante, si ce n’est plus importante, que la bombe atomique pour causer l’« effondrement » du Japon.
Les analystes rappellent aussi les difficultés qu’ont causées l’Iran et l’Irak aux coalitions occidentales avec des mines, notamment en surprenant la frégate américaine Samuel B. Roberts, gravement endommagée par un mouillage iranien en mai 1988, et en interdisant les eaux du nord du Golfe à la coalition durant la campagne de libération du Koweït de 1991. Cet emploi des mines est l’une des sept leçons tirées de la guerre du Golfe par l’Armée populaire de libération (APL) (1). Parallèlement, les États-Unis redoutent la manière dont l’emploi des mines pourrait affecter leur liberté de mouvement. Comme le notent les documents doctrinaux américains dès le lendemain de la crise de Taïwan de 1995-1996, « l’objectif est de permettre une liberté de mouvement sans entrave aux forces navales américaines pour projeter leur puissance à terre sur les sites de notre choix en déminant rapidement – si nécessaire – dans la foulée ». Or les adversaires n’ont pas besoin de couler des navires avec des mines pour l’emporter, ils n’ont qu’à restreindre la capacité de la marine américaine à se déplacer là où elle cherche à le faire (2).
Le précédent soviétique
L’exemple russe et soviétique inspire la doctrine chinoise. Quarante mille mines sont déployées par les flottes russe et soviétique durant chacune des guerres mondiales. Pendant la guerre froide, les Soviétiques considèrent les mines marines comme un outil asymétrique pour réduire la supériorité navale américaine. Les leçons chinoises de l’expérience soviétique pendant la Deuxième Guerre mondiale montrent que les mines à orins [锚雷] ont une faible fiabilité en raison des courants et des vagues. En revanche, les mines de fond [沉底水雷] sont beaucoup plus stables et difficiles à localiser. L’URSS favorise leur largage par avion pour augmenter la rapidité de leur déploiement. L’IGDM‑500 est la première mine de fond soviétique déployée par voie aérienne. La série MDM est développée par le bureau de planification no 400 de Leningrad. La MDM‑1 (diamètre : 533 mm ; longueur : 2,86 m ; charge explosive : 960 kg ; profondeurs de 90 à 120 m) est mouillée par des sous-marins. La MDM‑2 peut être mouillée par navires de surface, tandis que les MDM‑4 et MDM‑5 sont destinées à un mouillage aérien.
Les auteurs chinois citent aussi les mines nucléaires soviétiques des années 1960 avec un rayon de destruction de 2 000 mètres. Ils célèbrent les mines de fond lance-torpilles et les « mines mobiles lancées par sous-marins : [苏/俄潜用自航水雷] ». Ces dernières sont jugées les plus efficaces, avec un rapport de un navire coulé pour 19,5 mines posées, contre un pour 50 mines larguées par avion et un pour plus de 150 mines mouillées par bâtiments de surface. La furtivité du sous-marin explique cet avantage alors qu’avions et bâtiments de surface révèlent les zones de minage par leur présence (3).
Priorité à la lutte anti-sous-marine
Dans une étude publiée en 2009 et synthétisant la presse spécialisée chinoise, l’École de guerre navale américaine évalue les opérations offensives que Pékin pourrait mener, relevant que les mines sont essentielles à la lutte anti-sous-marine. Contre les sous-marins ennemis, les mines sont le mieux employées « en les mouillant à proximité des bases ennemies… limitant ainsi la capacité des sous-marins ennemis à sortir vers l’océan ». Les analystes chinois y voient la meilleure chance de neutraliser des sous-marins très silencieux et difficiles à détecter. Ils estiment également que « des mines marines [mobiles] dans chaque passage de la première chaîne d’îles [de l’océan] Pacifique » formeraient ainsi une ligne de blocus et empêcheraient les sous-marins nucléaires américains d’entrer dans les zones maritimes voisines de la Chine (4).