Des problèmes touchent aussi les nouveaux câbles d’appontage AAG (Advanced arresting gear), dont la détente après la prise de brins est également amortie électromagnétiquement. Spécifiquement conçu pour la récupération des appareils de la nouvelle génération, l’AAG devra permettre d’apponter avec plus d’armements qu’à l’heure actuelle. Durant la guerre du Kosovo, les appareils devaient larguer une partie de leurs munitions en mer pour des contraintes de sécurité… et afin de limiter la fatigue des systèmes de récupération. Sur les 763 essais conduits à bord du Ford fin 2018, 10 avaient été des échecs. Or, là encore, le standard adopté est exigeant : un échec tous les 16 500 appontages… Fin 2022, on notait un échec toutes les 460 prises de brin. Et l’AAG dépend lui aussi du réseau électrique et ne peut en être isolé pour maintenance et réparation. Des travaux de modification sont en cours, mais, tout comme ceux liés à l’EMALS, ils entraînent des surcoûts et des retards, tout en affectant en cours de route la construction de la deuxième unité. Les déflecteurs de pont, relevés lors des catapultages, connaissent également des problèmes. Les quatre ont été au moins une fois en panne simultanément, forçant le Ford à rentrer au port. Paradoxalement, ces lourdes pièces d’équipement, mises en œuvre hydrauliquement sur les bâtiments des générations précédentes, étaient alors parmi les plus fiables.
L’électricité produite alimente également l’AN/SPY‑3 Multi-function radar (MFR) et l’AN/SPY‑4 Volume search radar (VSR), ce qui a imposé de redessiner l’îlot des Ford. Le radar principal, à antenne active, en remplace de six à dix. Trois antennes sont liées à l’AN/SPY‑3 multifonction en bande X – destiné à la poursuite à basse altitude et à l’illumination radar – et trois autres à l’AN/SPY‑4, en bande S, destinés à la recherche et à la poursuite. Les informations issues des deux radars sont ensuite fusionnées pour offrir une représentation globale de la situation, mais cette combinaison n’a pas donné entière satisfaction, notamment en termes de coûts, mais aussi de fiabilité, avec une moyenne de 100 heures avant l’occurrence d’une panne lors des sorties menées en 2022. Les destroyers de la classe Zumwalt, qui devaient également recevoir le SPY‑4, n’en ont ainsi pas été dotés. À partir du CVN‑79 John F. Kennedy, ces radars seront remplacés par l’AN/SPY‑6. Toujours à antenne active, il travaillera en bandes X et S, tout en reposant sur des technologies GaN (nitrure de gallium) et ne comportera plus que trois faces planes. Pour autant, les capacités du nouveau radar seront moindres, notamment en recherche de périscope ou en contrôle de tir pour les missiles ESSM (Evolved sea sparrow missile). D’autres radars dont on pensait qu’ils ne seraient pas nécessaires devront ainsi être installés.
Les caractéristiques opérationnelles
Afin d’augmenter le nombre de sorties comparativement aux classes antérieures, le pont du Ford a été redessiné, justifiant le positionnement plus en arrière de l’îlot. Le pont inclut une architecture dite « pit-stop » permettant de ravitailler un appareil en armes ou en carburant et de l’entretenir où que ce soit sur le pont, une option inexistante sur la classe Nimitz. La méthode de conception 3D basée sur le système CATIA a également permis d’optimiser les flux de munitions et les zones de montage, en multipliant les ascenseurs. Leur mise au point a été délicate, mais la Navy annonçait début janvier 2019 que les essais avaient fini par être concluants, sachant que l’admission au service, en 2017, s’était faite alors que pratiquement aucun ne fonctionnait. Les flux sont ainsi accrus, tout en réduisant les mouvements – et donc les dangers potentiels –, mais aussi la main-d’œuvre nécessaire.
En outre, le bâtiment disposera de nouvelles aides à l’appontage et de systèmes de gestion de la planification d’appareils comme le F‑35, qui transmettent au porte-avions, via liaison de données, leurs informations logistiques, de façon à, théoriquement, faciliter la maintenance. La gestion des émissions électromagnétiques sera d’autant plus importante que le Ford accueillera des MQ‑25 Stingray, premiers drones embarqués à voilure fixe de la marine américaine (1). Au total, jusqu’à 90 appareils de combat, drones et hélicoptères pourront opérer depuis le bâtiment. L’optimisation touche aussi les zones de vie, de manière notamment à réduire la circulation entre les bannettes et entre celles-ci et les douches et toilettes – lesquelles ne comportent plus d’urinoirs, par économie, mais aussi pour permettre l’accueil d’équipages mixtes.
La défense terminale du navire a également fait l’objet d’une attention soignée. Pour l’heure, elle compte deux lanceurs octuples et rechargeables pour missiles ESSM ; deux lanceurs RAM (Rolling airframe missile, 21 missiles prêts au tir) et trois systèmes Phalanx hexatubes de 20 mm, en plus de mitrailleuses. Il avait initialement été question d’installer 48 missiles ESSM montés dans deux groupes de lanceurs verticaux, une option finalement rejetée. Reste que la place disponible sur les plateformes en encorbellement – en particulier à bâbord arrière – n’interdit pas de repenser le positionnement des armements défensifs. C’est d’autant plus le cas que la puissance électrique à bord permettrait d’utiliser des armements laser ou à énergie dirigée une fois qu’ils seront disponibles ; sachant que la puissance électrique ne manque pas. En outre, tous les armements sont intégrés dans le système de combat.