Institutions islamiques et soft power
Les institutions islamiques dans les pays arabes déchirés par les conflits sont devenues soit des entités fragmentées, soit un butin échangé par des factions politiques et militaires en guerre. Nous avons un exemple en Libye, en Syrie et au Yémen, où le sort de toutes les institutions islamiques, y compris les ministères, les écoles, les camps de jeunes, les fondations et les organisations caritatives, était lié au sort de ces pays, qui se sont effondrés et ont été déchirés à cause de la guerre. L’opposition et les groupes autonomes, chacun dans sa zone d’influence, ont créé des corps religieux locaux concurrents qui jouissaient d’une grande indépendance, qu’ils ont obtenue en raison du manque de ressources des dirigeants politiques pour les intégrer.
Dans ces environnements conflictuels, les institutions islamiques sont souvent plus sensibles aux influences économiques et idéologiques externes, que la source de ces influences provienne des puissances régionales menant des guerres par procuration ou des puissances internationales occidentales. À ce jour, les relations complexes et imbriquées entre les institutions islamiques et les régimes arabes au pouvoir n’ont pas reçu l’attention analytique ou académique qu’elles méritaient. Cet article basé sur les résultats de deux années de recherche, de travail sur le terrain et d’entretiens vise, entre autres, à combler cette lacune.
Les institutions islamiques et les religieux islamiques jouent un rôle de médiateur important entre les régimes au pouvoir et les sociétés qu’ils gouvernent. Dans leurs relations avec la sphère religieuse et ses représentants, les dirigeants arabes utilisent de multiples moyens qui oscillent entre le dialogue et les tentatives de polarisation, jusqu’au désaccord et à la coercition pure et simple. Par conséquent, l’importance de ces institutions ne peut être négligée en tant que fenêtres à travers lesquelles peuvent être observés les disparités structurelles entre les pays arabes et le manque de légitimité de leurs régimes au pouvoir.
Le soft power des institutions islamiques se réfère à leur capacité à influencer les perceptions, les idées et les comportements à travers des moyens non coercitifs, tels que la culture, la religion, l’éducation, les médias et l’aide humanitaire. Au niveau de l’éducation, les institutions islamiques, notamment les universités et les écoles religieuses, jouent un rôle important dans la formation des jeunes musulmans. Elles offrent des programmes d’études qui mettent l’accent sur la langue arabe, la théologie islamique, les sciences islamiques et d’autres domaines d’études liés à l’islam.
Ensuite, les institutions islamiques, telles que les mosquées, les écoles coraniques et les centres culturels islamiques ont également un rôle central dans la promotion de la spiritualité et des valeurs islamiques. Elles diffusent des enseignements religieux, encouragent la pratique des rituels religieux et offrent un espace communautaire pour les fidèles.
Pour leur part, les médias islamiques, tels que les chaines de télévision, les stations de radio, les sites web et les publications, diffusent des informations, des émissions de divertissement, des discours religieux et des éditoriaux qui reflètent les perspectives et les valeurs islamiques. Ils contribuent à façonner l’opinion publique et à influencer les attitudes des individus envers l’islam et les musulmans.
La diplomatie religieuse — c’est-à-dire les institutions islamiques, y compris les organismes religieux et les leaders religieux — exerce une influence en participant à des dialogues interreligieux, des conférences internationales et des initiatives de médiation. Ces institutions contribuent à promouvoir la compréhension mutuelle, la coopération et la paix entre les différentes communautés religieuses et les nations.
Et enfin, les organisations caritatives islamiques, telles que les fondations et les ONG islamiques, fournissent une aide humanitaire, des secours d’urgence et des programmes de développement dans les régions en crise et les pays en développement à travers le monde. Leurs activités contribuent à promouvoir une image positive de l’islam en tant que religion de compassion et de solidarité.
Le soft power des institutions islamiques repose ainsi sur leur capacité à promouvoir la religion et la spiritualité, à fournir une éducation religieuse et culturelle, à diffuser des messages à travers les médias, à fournir une aide humanitaire et à jouer un rôle diplomatique dans la promotion de la compréhension interreligieuse et de la coopération internationale.
Au Moyen-Orient, plusieurs institutions islamiques jouent un rôle important dans l’exercice du soft power, influençant les perceptions, les attitudes et les comportements à travers la région et au-delà. L’université Al-Azhar, fondée au Caire au Xe siècle, est ainsi l’une des institutions islamiques les plus anciennes et les plus respectées au monde.