La difficulté pour le secteur bancaire et financier est de séparer le bon grain de l’ivraie. Il est nécessaire de réduire les coûts de transaction en lui permettant d’identifier des partenaires crédibles sans devoir, pour cela, supporter des coûts trop importants. C’est tout l’objet d’un label qui, du point de vue économique, permet de synthétiser des informations multiples, hétérogènes et difficilement accessibles que les agents économiques auraient dû collecter et analyser par eux – mêmes.
Le besoin d’un label est d’autant plus important que les critères ESG n’ont pas donné lieu à des normes internationales clairement définies et admises par tous. La plupart des notations ESG se font sur la base d’indicateurs ad hoc élaborés par des agences de notation privées ou en interne par le secteur financier, sans transparence ni validation externe. De ce fait, ces notations sont aujourd’hui très divergentes d’un organisme à l’autre pour la même entreprise… dans le monde civil (2), pourtant réputé moins polémique et plus transparent. Selon Alexis Flageollet et Juan Sebastian Caicedo (Natixis), la corrélation des indicateurs n’est que de 29 % entre les grandes agences de notation.
Sources : Eurostat, projets de loi de finance et rapports au parlement sur les exportations.
Il est facilement imaginable que l’exercice s’avère difficile et coûteux lorsqu’il s’agit d’armement. Un label « défense nationale » n’exonérerait pas les entreprises d’armement d’une évaluation ESG, mais il permettrait de répondre par anticipation à certaines questions par une validation ex ante par la puissance publique, réduisant les barrières à l’entrée pour le secteur financier.
Une labellisation ne constitue pas un blanc – seing accordé à l’industrie d’armement, mais un moyen de réduire les coûts de recherche d’information pour le secteur bancaire et financier. Bien entendu, la qualité d’un label dépend de la clarté de son périmètre et de la rigueur dans son attribution. Il est donc essentiel d’aligner la sélection des entreprises labellisées avec la raison fondamentale de l’existence d’une industrie de défense en France : permettre la mise en œuvre de la politique nationale de défense fondée sur le principe d’autonomie stratégique.
D’une certaine manière, les entreprises d’armement contribuent à une mission de service public. Elles sont très encadrées, car la production d’armement est interdite sauf dérogation. De plus, leurs produits sont presque exclusivement développés pour équiper les armées françaises et doivent répondre aux exigences du droit humanitaire international. L’achat d’un matériel par les armées françaises constitue un indicateur synthétique du respect de facto de nombreux critères ESG. De même, l’État contrôle toute exportation et accompagne une très grande partie des ventes internationales au travers de la Direction générale de l’armement.
Un label étatique clair et exigeant serait donc une avancée majeure pour réconcilier le secteur financier avec l’industrie d’armement. Ainsi, le coût de traitement des dossiers pourrait se rapprocher d’une demande de financement venant d’une entreprise civile, évitant une exclusion a priori pour des raisons de coût, de réputation et d’intérêt économique.
Notes
(1) Renaud Bellais, « De quoi BITD est-il le nom ? », Défense & Sécurité Internationale, no 150, novembre-décembre 2020, p. 26-28.
(2) Florian Berg, Julian F Kölbel et Roberto Rigobon, « Aggregate Confusion : The Divergence of ESG Ratings », Review of Finance, vol. 26, no 6, novembre 2022, p. 1315‑1344.
Légende de la photo en première page : Un A400M de l’armée de l’Air et de l’Espace à Little Rock. (© US Air Force)