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Un retour à la question du convertible ?

D’autres options, plus légères, existent. C’est d’abord le cas avec des machines pilotées. Durant l’édition 2016 du salon Sea Air Space, Bell a présenté une variante navale de son V‑280 Valor, une machine appelée à remplacer les UH‑60 au-­delà des années 2030, qui sera également armée (5). Il faut y ajouter des hélicoptères rapides, comme le Raider X (Sikorsky) et l’Invictus (Bell), moins rapides qu’un convertible (200 nœuds contre environ 250 pour le MV‑22 et 280 pour le V‑280), mais plus manœuvrants au combat. C’est ensuite le cas avec des systèmes de drones lourds. En 2022, Bell a présenté une variante de combat naval du V‑247 Vigilant, un drone tiltrotor ISR et d’appui aérien rapproché proposé aux Marines. Sa vitesse maximale est de 300 nœuds (240 en croisière, 180 pour une endurance optimale), sa charge utile peut dépasser les quatre tonnes, son envergure permet le déploiement d’armements sous les ailes et son rayon d’action peut dépasser 1 600 km, sachant qu’il peut aussi être ravitaillé en vol ; ce qui peut se traduire par une endurance de 24 heures. Son empreinte sur un bâtiment est équivalente à celle d’un UH/MH‑60.

Le convertible ne sera jamais un appareil de combat embarqué aussi performant qu’un Rafale, un J‑15, un Super Hornet ou un F‑35B : il n’en aura jamais la vitesse, il n’aura que rarement leur charge utile et il sera probablement perdant dans un dogfight contre un appareil manœuvrant (6). Il ne pourra pas non plus devenir un appareil d’interdiction ayant d’importantes capacités d’attaque terrestre (7). En revanche, dans un scénario d’opérations navales centré sur des missions d’éclairage, de lutte ASM ou antinavire – voire dans une certaine mesure de défense aérienne(8) – les avantages des convertibles ne sont pas négligeables, en particulier pour des marines de troisième ou de quatrième rang. Moins coûteux que des appareils de combat modernes, ils ouvrent la voie à des opérations navales distribuées, que ce soit depuis des bâtiments amphibies ou des bâtiments civils convertis, à l’instar en son temps de l’Atlantic Conveyor (9). Au point de voir apparaître un nouveau type d’aéronavale ?

Notes

(1) Sur le moment nucléaire de la marine américaine et ses implications pour la flotte comme l’architecture des bâtiments : Joseph Henrotin, « Le porte-­avions dans son contexte : avantages et inconvénients du capital-­ship des marines les plus puissantes », Défense & Sécurité Internationale, hors-­série no 20, octobre-novembre 2011.

(2) Voir l’article que Jean-­Jacques Mercier leur consacre dans ce hors-série.

(3) Voir Joseph Henrotin et Philippe Langloit, « Les Sea Control Ships et les concepts dérivés : quels obstacles ? », Défense & Sécurité Internationale, hors-­série no 20, octobre-novembre 2011.

(4) Yannick Smaldore, « Les convertibles à la croisée des chemins », Défense & Sécurité Internationale, hors-­série no 60, juin-­juillet 2018.

(5) Yannick Smaldore, « Convertibles dans l’US Army : voir au-­delà des hélicoptères », Défense & Sécurité Internationale, hors-­série no 89, avril-­mai 2023.

(6) Même s’il faut aussi se rappeler que le Harrier FRS.1 britannique a souffert d’une réputation de chasseur limité par ses armements et le manque d’une détection aérienne avancée. Reste qu’il abattra 20 appareils argentins, sans subir aucune perte en combat aérien.

(7) Même s’il est vrai que ces fonctions sont de plus en plus remplies dans les marines par l’usage de missiles de croisière.

(8) En particulier si l’on prend en compte l’usage de systèmes de drones comme le LongShot, lanceur de missiles air-­air et lui-­même mis en œuvre depuis des appareils de combat ou de transport.

(9) Il n’avait fallu que 14 jours, du 10 au 24 avril 1982, entre une première inspection du bâtiment par des officiers britanniques pour déterminer s’il pouvait embarquer des Harrier et la fin de sa transformation.

Légende de la photo en première page : La proposition de Bell pour une variante de combat naval du V-247, ici armé avec deux NSM. (© Bell)

Article paru dans la revue DSI hors-série n°94, « Porte-avions et guerre aéronavale », Février-Mars 2024.
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