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Les armes antichars au cœur des opérations ukrainiennes

Le succès des missiles antichars occidentaux

Les livraisons d’armes antichars occidentales en Ukraine ont ainsi commencé bien avant l’attaque russe de février 2022. Après l’invasion de la Crimée en 2014, Kyiv a entrepris de moderniser ses défenses en faisant appel à l’expertise de plusieurs partenaires occidentaux, dont les États-Unis et le Royaume-Uni. Dès 2018, les forces ukrainiennes réalisaient les premiers tirs d’essai du missile Javelin américain, qui sera rapidement déployé dans le Donbass. Quelques jours avant l’invasion russe, les nouveaux arrivages de Javelin américains et de NLAW en provenance du Royaume-Uni avaient fait l’objet d’une intense couverture médiatique, illustrant aussi bien l’état de préparation des forces ukrainiennes que le sérieux avec lequel étaient perçues les menaces russes du côté de Londres et de Washington. Mais depuis l’ouverture des hostilités, l’aide internationale a permis à l’Ukraine de mettre en œuvre une diversité de missiles antichars et d’armes anti-blindés non guidées absolument unique dans toute l’histoire moderne.

Du côté des missiles, l’un des plus emblématiques du conflit ukrainien est sans doute le FGM-148 Javelin d’origine américaine, dont plusieurs milliers d’exemplaires ont été livrés par les États-Unis, mais également d’autres pays alliés, notamment l’Estonie. Équipé d’une charge creuse en tandem, il pèse environ 22 kg en ordre de tir, et est généralement tiré en position assise, sans trépied, y compris depuis des espaces confinés. Dans ses versions les plus courantes, sa portée pratique est de 2,5 km. Son autodirecteur basé sur un imageur infrarouge en fait un missile de type « tire-et-oublie » particulièrement efficace. En Ukraine, le Javelin est utilisé aussi bien dans des tirs tendus, pour des embuscades à quelques centaines de mètres, qu’avec un profil de vol en cloche, afin de frapper directement le blindage plus fin du toit des chars (capacité « top attack »), y compris à portée maximale.

L’autre « rock star » médiatique du conflit ukrainien est le missile NLAW (Next Generation Light Antitank Weapon), auquel certaines sources ont attribué la destruction durant les premières semaines du conflit de près d’un quart des chars russes. Il faut dire que ce missile, livré à plusieurs milliers d’exemplaires avant même le début des hostilités, est nettement plus léger et d’usage plus facile que le Javelin américain. Doté d’un lanceur jetable, le NLAW ne pèse que 12 kg et peut être mis en œuvre par un seul homme, y compris depuis l’épaule. Son système de guidage consiste en une optique rudimentaire, mais très efficace, permettant le tir sur cibles mobiles. La visée s’effectue en positionnant le réticule sur la cible et en suivant son déplacement quelques secondes avant le tir, ce qui permet de mesurer sa vitesse angulaire. Le missile, de type « tire-et-oublie », va alors survoler la cible. Un capteur de proximité optique/magnétique déclenche une charge dirigée vers le bas, permettant une attaque par le toit, y compris contre une cible réfugiée derrière un obstacle. Un mode d’attaque direct, avec explosion à l’impact, est également disponible, y compris pour des tirs très rapides contre une cible d’opportunité à très courte distance. La portée pratique du NLAW est de 600 m environ contre une cible mobile, et de 800 m contre une cible fixe. Des chiffres assez modestes en comparaison du Javelin, mais la rusticité et la facilité d’usage de ce missile conçu par Saab et produit entre la Suède et le Royaume-Uni ont permis à de nombreuses unités antichars de l’armée de terre et des territoriaux de mener des embuscades redoutables contre des cibles isolées ou des convois de véhicules.

Après les succès initiaux des Javelin et NLAW, un autre grand nom des missiles antichars occidentaux a fait son entrée sur le théâtre ukrainien, le MILAN, en provenance des stocks italiens et français, dans un premier temps. Issu d’une coopération franco-allemande de la fin des années 1960, le MILAN est un missile d’infanterie filoguidé, imposant à l’opérateur de viser la cible tout au long du vol du missile. L’Italie aurait versé à l’Ukraine des MILAN 2 ou 2T, tandis que la France a probablement cédé des MILAN 3, en cours de remplacement par le nouveau missile Akeron MP (ou MMP). Ces missiles, qui portent à un peu plus de 2 km, peuvent être opérés depuis des trépieds ou intégrés à des véhicules.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, la question de la présence ou non de missiles Eryx en Ukraine reste en suspens. Ce missile français, coproduit au Canada et en Turquie, est une arme antichar de très courte portée (600 m), optimisée pour le combat urbain. En 2015, Ottawa avait envisagé de céder à l’Ukraine 5 000 missiles retirés du service, avant de renoncer en raison du mauvais état général de son stock. Plus récemment, certaines images de véhicules offerts par la France pourraient laisser penser que des VAB Eryx, optimisés pour la lutte antichar, auraient été expédiés en Ukraine, sans que l’on sache si les Eryx les accompagnent. Sur le papier, Paris pourrait sans doute se séparer de plusieurs centaines d’Eryx, en cours de remplacement par la « roquette nouvelle génération », à savoir l’AT4 F2 fourni par le Suédois Saab. Toutefois, il semble que l’Ukraine croule déjà sous les livraisons d’AT4, venues du monde entier.

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