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Les armes antichars au cœur des opérations ukrainiennes

Expérimentations tactiques sur le théâtre ukrainien

L’incroyable diversité des armes antichars déployées en Ukraine a permis aux forces locales de tirer le meilleur parti tactique de chaque équipement, en confirmant des domaines d’application jusqu’ici assez théoriques, et en explorant de nouvelles pistes. Les armes non guidées, particulièrement mobiles et d’usage facile, ont ainsi été utilisées non seulement dans le cadre des combats urbains, mais aussi pour la conduite d’embuscades en milieu rural, l’exploitation des masques du terrain permettant aux tireurs de viser les points sensibles d’un blindé (chenilles, systèmes de visée, trappes, etc.) parfois à quelques dizaines de mètres seulement. Les forces spéciales et certaines unités antichars régulières ont également bricolé des véhicules ultralégers destinés aux opérations « shoot-and-scoot », qui consistent à s’approcher rapidement de la cible, à tirer quelques missiles et à fuir avant que l’ennemi ne déploie un contre-feu. Pour ces missions de guérilla, des missiles MILAN, Stugna-P ou Metis-M ont ainsi été intégrés sur des buggies, des quads et même des side-cars.

Au sein des régiments d’infanterie aussi, la diversité des armes mises en œuvre permet une créativité tactique sans doute unique au monde, et qui n’est pas sans rappeler les pratiques de certaines forces spéciales de l’OTAN. Ainsi, alors qu’une escouade d’infanterie occidentale n’est souvent équipée que d’un seul type d’armes antichars (AT4, Carl Gustaf ou Pzf 3 par exemple), il n’est pas rare de croiser des unités ukrainiennes embarquant deux ou trois types d’armes (guidées ou non) à la portée et aux effets tactiques différents, que ce soit face à des blindés lourds, des véhicules en mouvement ou des structures renforcées.

Mais les nécessités de la guerre poussent les forces ukrainiennes à innover encore plus, aussi bien techniquement que tactiquement. Des missiles Stugna-P ont ainsi été utilisés pour détruire des hélicoptères de combat russes, et des rumeurs évoquent l’usage de missiles antichars contre des navires de patrouille en mer Noire. Le Stugna-P pouvant déjà être téléopéré à une certaine distance, afin de protéger les servants d’un contre-feu adverse, des industriels ukrainiens travailleraient aujourd’hui à l’intégration de missiles (mais aussi de RPG-22) sur des petits drones terrestres optimisés pour le combat urbain.

À bien des égards, l’Ukraine agit donc comme un gigantesque laboratoire de la lutte antichar, forces armées et industriels exploitant les RETEX aussi vite que possible afin d’adapter leurs tactiques et leurs produits aux besoins mouvants des forces ukrainiennes. En Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, les missiliers surveillent également la situation de près, repérant les failles et les points d’amélioration dans le matériel offert, mais aussi les usages inattendus qui en sont faits. Il ne fait nul doute que, dans les années à venir, l’expérience ukrainienne viendra façonner en profondeur la définition technique des armes antichars qui seront commandées par les armées occidentales. 

Légende de la photo en première page : Malgré son aspect massif, le NLAW est un missile consommable suffisamment léger et simple d’emploi pour pouvoir être mis en œuvre par un unique soldat. (© Saab)

Article paru dans la revue DefTech n°03, « La lutte anti sous-marine du futur », Octobre-Décembre 2022.
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