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T-80. Le vétéran de la guerre froide finalement en action

Le projet du char de bataille principal T-80 remonte à 1976, année durant laquelle l’équipe d’ingénieurs dirigée par Nikolaï S. Popov, de l’usine Kirov (LKZ) de Leningrad, développe l’Objekt 219 mû par une turbine à gaz GTD 1000T. L’adoption de cette motorisation est entérinée par le décret no 539 184 du conseil des ministres de l’URSS du 6 juillet 1976.

La première version, le T‑80A, armée d’une tourelle de T64A est peu construite. Il faudra attendre 1978 et le T‑80B, qui ne cessera de connaître des modifications importantes au fil des ans, pour voir la production véritablement débuter. Le T‑80B, Objekt 219 RV ne tire que le missile antichar radioguidé AT‑8 Songster. En revanche, il bénéficie d’une nouvelle conduite de tir numérisée, l’IA33, comprenant la lunette de tir IG42 et des capteurs aérologiques. Le blindage de la tourelle comporte des renforts en céramique pouvant résister aux munitions-flèches. La motorisation est revue avec l’adoption d’une nouvelle turbine à gaz GTD‑1000TF de 1 100 ch. En 1985 est présenté le T‑80BV, « V » pour Vzryvnoy (« explosif ») et dénommé « Olkha ». Pour la première fois, le chef de char peut tirer de son poste grâce à une nouvelle conduite de tir, et dispose du nouveau missile antichar AT‑11 Sniper. De plus, il est protégé par le nouveau blindage réactif Kontakt 5, produit par NII Stali. Deux modèles de BV sont produits. Le premier, équipé d’une turbine à gaz SG‑1000, est construit à Omsk, en Sibérie, et le second, équipé d’un moteur diesel, est produit en Ukraine, à Kharkov.

Le T-80U, version définitive

En 1988, le T‑80U (Uluchsheniye, « amélioré »), dérivé de l’Objekt 219 AS, entre en service. La tourelle à commande électrique est en acier moulée avec bavettes en caoutchouc qui protègent la circulaire tourelle tout en réduisant la signature thermique du char. Le chef de char est à droite, et le tireur à gauche. Ils sont séparés par le canon 2A46M‑1 de 125 mm. Le premier dispose de la lunette de tir PNK‑4S AGAT, stabilisée et munie de l’optique de nuit TKN‑4S d’un grossissement jour de × 5,1 et nuit de × 7,5. À gauche, le tireur dispose de la caméra thermique Buran qui remplace l’Agava dont les capacités d’observation tout temps et nocturne étaient médiocres. Il est à noter que les premiers modèles de T‑80U étaient équipés d’un phare IR monté à droite du tube. De plus, afin de tirer les six missiles AT‑11 Sniper d’une portée de 5 000 m, le tireur dispose d’une lunette de tir missile 1G46 dotée, elle aussi, d’une voie jour/nuit. Stabilisée en site et en gisement, cette lunette qui inclut le télémètre laser affiche des grossissements de × 2,7 et × 12,7.

Le T-80U peut engager des cibles en roulant grâce à la conduite de tir de type 1A45 équipée du calculateur balistique 1V528 et au système de stabilisation 2Eh42. Le carrousel, avec ses 28 obus et six missiles antichars, est implanté sous la tourelle alors que les charges propulsives sont à la verticale sur le pourtour du panier, comme sur le T‑64. Le groupe motopropulseur est composé de la turbine à gaz GTD‑1250 dont la sortie se trouve à l’arrière de la caisse. À sa gauche est monté le générateur auxiliaire de puissance GTA‑18 de 1 kW qui alimente la tourelle en énergie lorsque la turbine est arrêtée et qui sera supprimé sur les tout derniers modèles. La version diesel – T‑80UD ou Objekt 478 – est équipée du moteur 6 TF deux temps de 1 000 ch et sa production en parallèle chez Malyshev, à Kharkov, est autorisée par le décret no 577‑178 du parti communiste ukrainien du 27 juin 1987. Dénommé Berioza (« petit bouleau »), il est construit à environ 500 exemplaires : 200 resteront en Russie et 300 en Ukraine. Sa production s’arrêtera en juillet 1992, et il servira de base aux T‑84 Oplot et Yatagan ukrainiens.

Le T-80U est décliné en version commandement T‑80UK (Komandirsky ou Objekt 630 A). De plus, certains T‑80UK sont équipés du système « soft kill » Shtora qui se compose de deux brouilleurs optiques infrarouges TshU 1‑17 montés sur l’arc avant de la tourelle qui brouillent les missiles antichars à guidage infrarouge. Ce système est complété par les deux détecteurs de prise en compte laser montés au – dessus du masque de tourelle qui, couplés aux pots fumigènes, aveuglent tout système relevant du domaine optique ou infrarouge. Les dernières versions produites sont les T‑80UM, T‑80UM1 et T‑80UM2. Le T-80UM est aperçu pour la première fois en avril 1992, bien qu’il existe depuis janvier 1991. La puissance de sa turbine est passée à 1 250 ch, et la mitrailleuse lourde de 12,7 mm est repositionnée à gauche du volet chef de char. Le T-80UM1 Bars (« léopard des neiges »), qui partage de nombreuses caractéristiques avec le T‑80UK, est doté du système électro – optique Arena, multidirectionnel. Expérimenté en 1997, l’Arena est capable de détecter missiles et roquettes tirés en direction du char puis de les détruire grâce à des charges explosives. Le T‑80UM2 est armé du système hard kill antimissile Drodz‑1 (« muguet ») monté pour la première fois en 1988 sur les T‑55AD des troupes de marine soviétiques.

Un relatif succès à l’export

Le T-80 succède au T‑64 au sein des régiments blindés de la Garde. Produit à plus de 5 500 exemplaires pour le compte de l’Armée rouge, il est exporté à l’issue de la disparition de l’URSS. Le premier acquéreur est Chypre, qui commande 27 T‑80U et 14 T‑80UK en 1996, pour 174 millions de dollars. Les T‑80U seront livrés la même année et les T‑80UK, en 1997. Une nouvelle commande de 41 chars est passée en octobre 2009 pour 115 millions d’euros, tous livrés en 2011. À la même période, à titre de compensation d’impayés à la suite de la disparition de l’URSS, 33 T‑80U et deux T‑80UK sont donnés à la Corée du Sud. Ces chars sont livrés en trois tranches en 1996, en 1997 et en 2005.

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