Reste aussi, à l’exception des Iwo Jima, que les capacités aéronautiques de ces porte-hélicoptères étaient limitées à quelques hélicoptères : au mieux, 18 Ka‑25 Hormone pour un Moskva ou neuf AB‑212 ou quatre Sea King pour le Vittorio Veneto. Les destroyers japonais étaient quant à eux limités à trois Sea King ou trois SH‑60J/K. Or c’est « par le haut » que la mutation du porte – hélicoptères s’est opérée et cela a eu une incidence directe sur les capacités aéronautiques des marines. Le cas japonais l’illustre particulièrement bien :
• les deux Haruna ont été remplacés par deux grands porte – hélicoptères de la classe Hyuga (Hyuga et Ise), de 19 000 t à pleine charge, entrés en service en 2009 et 2011 et qui peuvent embarquer jusqu’à 18 hélicoptères – six fois plus donc, pour un tonnage trois fois supérieur environ, que les bâtiments remplacés. Ils sont considérés comme des destroyers, certes de manière à aplanir les récriminations politiques sud – coréennes ou chinoises, mais aussi en fonction de leurs capacités de combat propres, avec 16 silos verticaux pour missiles anti – sous-marins ASROC ou antiaériens ESSM ;
• les deux Shirane ont quant à eux été remplacés par deux Izumo (Izumo et Kaga) de plus de 26 000 t à pleine charge. S’ils sont a priori les versions agrandies des premiers, de réelles différences tiennent à ce qu’ils ont été conçus pour pouvoir être transformés en porte – avions à proprement parler (10) ; leur conversion est effectivement en cours. S’ils peuvent embarquer jusqu’à 30 hélicoptères, ils perdent en revanche leurs tubes de lancement verticaux.
Le Japon n’est pas seul – même si d’emblée, sa préoccupation est anti – sous – marine. Dans les années 1990, la priorité britannique est amphibie. Sur la base des plans des porte – aéronefs de classe Invincible, Londres se dote de l’Ocean, de 21 750 t.p.c., entré en service en 1998 et qui y restera jusqu’en 2018. C’est un véritable porte – hélicoptères d’assaut qui peut embarquer jusqu’à 18 hélicoptères – dont 12 de la classe 10 tonnes – et quatre barges de débarquement de personnel sur des bossoirs. Jusqu’à 500 combattants, mais aussi 40 véhicules, débarqués soit au port, soit par mer calme directement sur des barges, peuvent être transportés. Engagé au large de la Libye avec des WAH‑64D Apache, l’Ocean a depuis quitté le service pour trouver acquéreur au Brésil en tant qu’Atlantico. Le bâtiment, qui a remplacé le Sao Paulo, ex-Foch, y est surtout utilisé en tant que plateforme navale.
Cette combinaison particulière à l’Ocean/Atlantico trouve une certaine extension en Italie. Là, le Cavour, entré en service en 2009, a d’abord été conçu comme un porte – aéronefs doté d’infrastructures adaptées à l’emploi d’AV‑8B – et surtout de F‑35B – et d’une suite de capteurs plus qu’étoffée, mais également pour assurer un appui aux opérations amphibies. Si ses 30 000 t.p.c lui permettent d’accueillir 22 aéronefs, il embarque aussi quatre barges de transport de personnel et jusqu’à 350 combattants, de même qu’une centaine de véhicules légers ou 50 camions ou encore 24 chars, qui peuvent être débarqués au port, via deux grandes portes. Comme le Hyuga, il dispose d’un armement embarqué important incluant 32 cellules de lancement verticales pour missiles antiaériens Aster‑15.
Le cas algérien est encore plus particulier : le Kalaat Béni Abbès est d’abord un navire amphibie dont la capacité antiaérienne a été renforcée (huit lanceurs verticaux pour missiles Aster), mais qui a aussi été doté d’un ascenseur qui n’existe pas sur les San Giorgio dont il est issu ; ascenseur qui ne supporte que des Super Lynx de lutte anti – sous – marine, avec seulement cinq appareils embarqués. Dans tous les cas de figure, la logique de « pont continu » est à la fois la conséquence de choix doctrinaux – chaque bâtiment répond à des besoins différents –, mais devient aussi un facteur de liberté de manœuvre pour peu que la taille s’y prête ; cas de l’Izumo à l’appui.
Développements récents
Deux développements récents incitent également à réfléchir à la manière de considérer les grands bâtiments amphibies à pont continu. Le premier est américain et illustre le dilemme existant entre navire spécialisé et navire polyvalent. Mis sur cale en 2009 et 2014 pour des entrées en service en 2014 et 2020, le LHA‑6 America et le LHA‑7 Tripoli ont d’abord été conçus comme « porte – avions des Marines », destinés exclusivement à la mise en œuvre du F‑35B et du MV‑22. Ils peuvent embarquer jusqu’à 31 appareils. Conçus sur la base du Makin Island, la dernière unité de la classe Wasp, et déplaçant près de 47 000 t.p.c., ils bénéficient d’une forte densité de capteurs. En plus des hélicoptères et des appareils embarqués, ils pourront héberger 1 871 Marines (l’équipage à proprement parler comptant 1 204 marins). Le navire sacrerait ainsi une vision des opérations amphibies axée sur l’enveloppement vertical, mais c’est son usage suivant le concept de « Lightning carrier » ou d’« Assault carrier » » qui est ici le plus intéressant. En 2019 puis en 2022, les deux LHA ont été utilisés en tant que porte – avions légers, embarquant respectivement 13 et 16 F‑35B en plus de MH‑60 et de MV‑22B.