Plusieurs éléments font obstacle à leur retour. Elles rencontrent des difficultés à regagner leur quartier d’habitation originel, car elles sont perçues aussi bien par les autorités que par la population comme des personnes ayant « collaboré » avec l’EI. À ce titre et sur le seul fondement d’un lien supposé, elles font face à des menaces et subissent parfois des représailles de la part des autorités locales et du voisinage. Afin de faciliter leur réintégration, le gouvernement irakien a mis en place un dispositif d’attestation de sécurité. Mais beaucoup ne se la voient pas délivrer, soit parce que le mukhtar (chef de quartier) ne parvient pas à réunir les témoignages du voisinage nécessaires à les disculper, soit parce qu’elle est déniée d’office aux femmes avec enfants dont le mari est mort ou incarcéré. De plus, il arrive que les Unités de mobilisation populaire demandent que leur soit versée une somme d’argent en échange du certificat du mukhtar. Or les familles ne disposent généralement pas de ressources.
Le facteur économique représente une autre difficulté. Le plus souvent, les personnes ne perçoivent aucun revenu ni les aides étatiques en l’absence de leur document d’identité perdu et impossible à refaire sans l’attestation de sécurité. Il leur est par ailleurs difficile de s’acquitter d’un loyer lorsque leur maison a été détruite. Elles dépendent alors de la lenteur des programmes de reconstruction. Cette situation de précarité est accentuée par le manque d’opportunités d’emploi. Si par le truchement de procédures tribales des acquittements ou des arrangements permettent à certaines personnes de regagner leur habitation, d’autres sont pour le moment condamnées à de perpétuels déplacements dans des abris de fortune le temps que des solutions soient apportées à leur situation.
Notes
(1) Mara Redlich Revkin, « Competitive Governance and Displacement Decisions Under Rebel Rule : Evidence from the Islamic State in Iraq », in The Journal of Conflict Resolution, août 2020.
(2) UNPD, Funding Facility for Stabilization – Scaling up in Mosul, 2017 Q2 Report, 2017.
(3) Zaid O. Saeed, Avar Almukhtar, Henry Abanda et Joseph Tah, « Mosul City : Housing Reconstruction after the ISIS War », in Cities, no 120, janvier 2022.
(4) Ali Darvishi Boloorani, Mehdi Darvishi, Qihao Weng et Xiangtong Liu, « Post-War Urban Damage Mapping Using InSAR : The Case of Mosul City in Iraq », in International Journal of Geo-Information, no 10, mars 2021.
(5) Zmkan Ali Saleem et Mac Skelton, The Failure of Reconstruction in Mosul : Root Causes from 2003 to the Post-ISIS Period, Institute of Regional and International Studies, 2020.
(6) Isadora Gotts, « The business of recycling war scrap : the Hashd al-Sha’abi’s role in Mosul’s post-conflict economy », LSE Middle East Centre Paper Series (34), Middle East Centre, LSE, 2020.
Légende de la photo en première page : Construite au XIIe siècle, la mosquée Al-Nouri a été détruite en juin 2017 par les djihadistes de Daech. Elle bénéficie d’un programme de reconstruction. © Shutterstock/Chris Pook