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Projeter l’Armée populaire de libération contre Taïwan ?

Aux yeux des observateurs, en particulier aux États-Unis, l’importance du programme de construction de bâtiments amphibies implique l’intention chinoise de s’emparer de Taïwan et d’assurer la réunification par la force, peut-être dès 2027. Il s’agirait de laisser deux décennies pour la reconstruction de Taïwan et la réacceptation de la République populaire de Chine (RPC) dans le système international, à temps pour célébrer son centenaire en 2049 (1). Conscients de l’urgence, les États-Unis réalisent sept ventes d’armes à Taïwan depuis le début de 2023, reprenant des formations pour les « Marines » taïwanais (2).

En Chine, la construction du troisième porte – avions progresse alors qu’un quatrième est mis sur cale. Beaucoup appellent de leurs vœux une réunification par la force, considérant que l’Armée populaire de libération (APL) en est désormais capable. Certains articles présentent la modernisation systématique des forces amphibies, les quatre nouveaux porte – hélicoptères leur donnant aujourd’hui la possibilité de débarquer sur presque toutes les plages de Taïwan. Officiellement, Pékin nie de telles intentions. Le livre blanc sur Taïwan parle de « dissuader les forces séparatistes  » de faire sécession du continent, à savoir l’administration pro – indépendance au pouvoir à Taïpei de 2000 à 2008 et de nouveau depuis 2016. Le parti de l’indépendance remporte encore la présidentielle de janvier 2024, contre les nationalistes du Kuomintang, soutenus tacitement par Pékin (3).

Alors que la modernisation de l’APL génère une attente de la population du continent et une impatience devant l’inaction du président Xi face à Taïwan, d’autres articles rappellent les difficultés d’une invasion de l’île : « Ce n’est pas aussi simple que de cuisiner des nouilles instantanées.  » Ce discours prudent cherche à refroidir l’enthousiasme populaire porté par le développement des forces armées chinoises. Il paraît nécessairement inspiré par le pouvoir, de plus en plus inquiet de se retrouver accusé de passivité face à la province rebelle (4).

Tridimensionnalité des forces amphibies

Jusqu’au début du siècle, la marine de l’APL aligne uniquement des bâtiments de débarquement de chars, dont plusieurs variantes de la trentaine de Type‑072 (4 800 t, 120 m). Les Type‑072 peuvent chacun embarquer dix chars ou 500 t de matériels.

La conception des transports de chalands de débarquement Type‑071 (17 600 t, 210 m) marque un premier tournant. Elle est lancée parallèlement au programme de porte – avions, vers 2000. Une première unité est livrée en 2008, le rythme de construction passant à une unité par an entre 2018 et 2023 pour un total de dix bâtiments. Chacun des Type‑071 emporte 20 chars, ou 75 véhicules, ou 1 000 soldats. Leur radier contient deux grands aéroglisseurs Type‑726/726A emportant chacun un char lourd ZTZ‑96G ou Type‑15, ou deux véhicules de combat d’infanterie amphibie ZBD‑05, ou 80 soldats. Le Type‑726 (120 t, 28 m) est directement copié sur les LCAC de l’US Navy. Dotés des turbines ukrainiennes UGT 6000, ils transportent 50 à 60 t. Le premier lot de 2009 comprend quatre unités. La variante 726A, dotée d’une turbine à gaz chinoise QC‑70, entre en production à Jiangnan à partir de mars 2017. Cette classe pourrait à terme former le cœur d’une opération amphibie contre Taïwan, avec une quarantaine d’unités. Par rapport aux chalands de débarquement qui peuvent débarquer sur 15 % des littoraux de la planète, les aéroglisseurs accèdent à 70 % de ces littoraux. Outre leur vitesse (80 nœuds), ils transportent du matériel lourd directement sur le rivage (5).

Le Type-071 annonce le second tournant : le Type‑075 (40 000 t, 235 m), un transport d’assaut porte – hélicoptères avec un pont d’envol d’une superficie plus grande que celle des Wasp américains qui les inspirent. Entre 2019 et 2024, le chantier Hudong à Shanghai livre quatre unités (6).

Pour les analystes continentaux, outre les frappes à longue portée contre les bases militaires de l’île, le point critique est de savoir comment débarquer sur Formose : « […] le critère le plus important pour discuter de la probabilité de succès de l’Armée populaire de libération dans sa prise de contrôle de Taïwan est le nombre de soldats et d’équipements de combat majeurs qui peuvent être transportés sur l’île. Plus il y en aura, plus l’avantage de l’APL sera grand et plus la probabilité d’une victoire rapide sera grande  ». Citant les analystes occidentaux, des auteurs chinois notent que le plus grand désavantage de l’armée russe au début de son invasion de l’Ukraine était le manque de troupes. Ils en déduisent que l’APL devrait disposer du double des troupes taïwanaises qui lui seraient opposées pour contrôler pleinement le champ de bataille à Taïwan (7).

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