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Des drones de surveillance maritime endurants : pour quoi faire ?

Le développement d’un système d’USM est-il adapté à l’Europe et à la France ?

L’Europe est une péninsule entourée de mers et d’océans. La majeure partie de ses échanges commerciaux transitent par les voies maritimes, système sanguin d’une mondialisation de l’économie en cours de révision, à la suite des bouleversements géopolitiques amorcés après la pandémie de Covid‑19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

De son côté, la France possède la deuxième ZEE maritime mondiale et des territoires ultramarins répartis sur tous les océans du globe. Elle demeure une puissance nucléaire, engagée dans la sécurité internationale et attachée au multilatéralisme efficace, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Dans un contexte où la mer et les océans font l’objet d’une contestation quotidienne et d’une appropriation décomplexée, il est essentiel pour la France de disposer d’un système lui donnant accès à une connaissance souveraine de la situation maritime des derniers espaces de liberté de la planète, qui constituent une nouvelle frontière technologique, environnementale et climatique dont dépend l’avenir de l’humanité.

De même que la révolution technologique des années 1980 a contribué à mettre un terme à la guerre froide par l’avènement, rendu possible, d’une « guerre des étoiles », la course engagée pour la connaissance, le contrôle et la maîtrise des espaces maritimes, dans les trois dimensions, constitue, avec la maîtrise de l’espace exoatmosphérique, le nouveau référentiel d’affirmation de la puissance mondiale. Il nous appartient de décider si nous voulons y participer au titre de modérateur ou demeurer spectateurs de choix opérés par d’autres et en accepter les conséquences.

Le recours à un système d’USM couplé à une aviation de patrouille maritime performante, au sein d’une Marine moderne, dimensionnée pour répondre à la menace d’un conflit de haute intensité, défendre des intérêts maritimes et stratégiques répartis à travers le monde et faire valoir le droit international, ne souffre pas d’alternative, sauf à y renoncer et à accepter le renversement de l’ordre international par la force.

Il n’entre pas dans la logique du stratège de se trouver dépourvu au moment de répondre à un défi majeur. Pourtant, c’est dans un contexte d’incertitude politique et budgétaire sans précédent qu’il va revenir à la représentation nationale de statuer sur les priorités immédiates du pays, sans s’exclure du règlement des enjeux globaux, sans hypothéquer l’avenir ni le bien commun, en période de profondes recompositions géopolitiques.

Compte tenu des ressources financières importantes en jeu, les options ouvertes à notre pays concernant le renforcement de la connaissance de la situation et de la surveillance maritimes se déclinent ainsi :

• modifier ou adapter le système actuel ;

• développer en propre un nouveau système ;

• contribuer au développement d’un système en coopération ;

• déléguer cette fonction à un partenaire ou à une alliance.

Si le détail de ces options pourra faire l’objet d’un prochain article, leur mise en œuvre repose sur des dispositions communes : la reconnaissance objective du besoin ; la nécessité d’une prise de décision rapide ; un esprit de cohésion et de transformation résolu ; la réalisation du projet incrémental retenu sur une période de trois à dix ans, afin de peser sur la compétition en cours ainsi que de répondre aux défis de sécurité et de souveraineté identifiés.

L’heure du choix

Dans ce domaine, l’absence de décision ne constitue pas une option, sauf à dépendre de l’achat sur étagère d’équipements étrangers et, à terme, à ne pas avoir d’autre choix que de déléguer la fonction de la surveillance maritime de l’Europe à l’OTAN. Cette option n’est pas critiquable en tant que telle, à condition qu’elle résulte d’un choix réfléchi au regard des conséquences qu’elle comporte en matière de souveraineté nationale, technologique et industrielle, et d’autonomie stratégique européenne.

Afin d’alimenter la réflexion, il pourrait être utile de tirer les enseignements du dispositif interministériel de sûreté maritime mis en place pour assurer la surveillance, la protection et l’intervention indispensables à la sécurisation du plan d’eau de Marseille – où viennent de se dérouler les compétitions de voile des Jeux olympiques de Paris 2024 – afin d’examiner s’il est possible de l’adapter et de le dimensionner en vue de l’exploiter à l’échelle d’un théâtre maritime.

À propos de l'auteur

Christophe Pipolo

Contre-amiral (2S), directeur de recherche au cabinet de synthèse stratégique La Vigie (www.lettrevigie.com).

À propos de l'auteur

Marc Grozel

Capitaine de frégate (R), expert drones (terre, air, mer et espace) pour Affinis Défense.

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