Magazine DSI HS

Baltique : une mer fermée, laboratoire de l’A2/AD otanien

À l’accroissement du niveau de coopération entre la Finlande et la Suède, bilatéralement ou dans le cadre du NORDEFCO (Nordic defence cooperation) dans les années 2010, s’est ajoutée une nouvelle couche coopérative avec l’entrée des deux pays dans l’OTAN. Si la nature de la géostratégie de la Baltique n’a pas fondamentalement changé – une mer fermée, verrouillée par le Danemark, dont jusqu’à 40 % de la superficie peuvent être gelés –, son caractère a évolué en profondeur. Si elle n’est pas encore un « lac de l’OTAN », les conditions de sa défense sont totalement différentes.

Les choix de défense réalisés par les États bordant la Baltique confinent peu à peu, pour la Russie, à une mise en difficulté stratégique. Non seulement la Suède et la Finlande sont entrées dans l’OTAN, mais la deuxième invasion de l’Ukraine a impliqué un double mouvement. D’une part, une modernisation qualitative et quantitative des forces de la région et, plus largement, une prise de conscience de la nécessité d’un réinvestissement de la part de leurs alliés (1). D’autre part, une décroissance capacitaire russe dans l’oblast de Kaliningrad, mais aussi dans la région de Saint-Pétersbourg ou le long de la frontière avec la Finlande et la Norvège. En l’occurrence, elle touche essentiellement le domaine terrestre, avec plusieurs vagues d’envois d’unités vers l’Ukraine, qui n’ont que marginalement retrouvé leurs quartiers ensuite. Les capacités aériennes et navales russes dans la zone sont cependant encore largement intactes.

Un rapport de forces évolutif

Articulée autour des bases de Batlyisk (Kaliningrad) et de Kronstadt, la flotte de la Baltique compte un sous – marin de type Kilo ; un destroyer de classe Sovremenyy ; les deux frégates Neustrashimyy ; quatre corvettes lourdes Steregushiy ; quatre corvettes Buyan‑M (dont une endommagée) ; six corvettes anti-sous – marines Parchim ; quatre corvettes antinavires Nanushka ; quatre transports de chars Ropucha ; huit navires de guerre des mines ainsi qu’un grand nombre de plus petites unités et de navires de soutien. Plusieurs bâtiments peuvent être fréquemment engagés en mer du Nord et dans l’Atlantique, sachant que le destroyer Nastoychivy, en modernisation depuis 2019 et observé statiquement lors de la dernière parade navale de juin 2024, pourrait toujours ne pas être opérationnel. Il faut y ajouter, rien qu’à Kaliningrad, des batteries côtières dotées de missiles Bal/SSC‑6 et Bastion/SSC‑5 ; sept régiments de SA‑20 et SA‑21 et cinq régiments dotés de Su‑27/30SM/34/35 et de MiG‑31BM (2). Il est possible également que des batteries dotées de missiles SS‑26 Stone/Iskander soient toujours positionnées dans l’exclave.

Surtout, la question est celle d’une neutralisation des détroits danois par la flotte russe du Nord, qui reste la plus puissante à disposition de Moscou, ce qui implique de prendre également en compte l’évolution des capacités norvégiennes. L’équilibre des forces navales en Baltique s’apprécie donc de manière brute et nette, selon que des forces extérieures y interviennent ou non. Pour l’heure, le rapport de force numérique est globalement équilibré avec la Russie. Ainsi, l’Allemagne aligne cinq corvettes en Baltique et pourrait y engager l’un ou l’autre de ses sous – marins ; la Suède, neuf corvettes et patrouilleurs ainsi que quatre sous – marins ; la Finlande huit patrouilleurs ; la Pologne deux frégates, deux corvettes et trois patrouilleurs. La marine danoise a misé sur des frégates lourdes dont l’engagement en Baltique est quant à lui improbable, mais dont l’utilité pour la défense des détroits danois est indéniable, comme c’est le cas également pour le gros de la flotte allemande.

Ces capacités vont évoluer par effet de modernisation, mais aussi, parfois, de montée en puissance nette. L’Allemagne va recevoir cinq nouvelles corvettes de classe Braunschweig (3) et la Pologne va remplacer ses deux frégates par trois unités bien plus lourdes et bien mieux dotées en missiles antinavires. La question du remplacement des sous – marins n’est quant à elle toujours pas tranchée – mais il est déjà acté qu’ils disposeront de missiles de croisière (4). La Suède et la Finlande ont par ailleurs engagé des programmes de corvettes de nouvelle génération, qui sont en fait de véritables frégates légères. Stockholm construit en outre deux sous – marins de classe Blekinge, taillés sur mesure pour la Baltique, tout en modernisant d’autres unités. Au Danemark, la question d’un retour à une capacité sous – marine, abandonnée pour financer les frégates, est régulièrement posée. À l’horizon 2030 et compte tenu de la sortie de service des unités russes les plus anciennes – mais aussi de l’entrée en service de quelques corvettes –, la balance quantitative et qualitative des forces penchera donc plus nettement en faveur des membres de l’OTAN.

0
Votre panier